Je ne
connais rien au foot. J’ai appris l’an dernier ce que voulait dire « onze »,
comme dans «le onze montréalais ». Il me semble qu’on devrait dire
l’onze, mais bon. Je ne sais pas ce qu’est un coup franc ni pourquoi un penalty. Mais je connais le son du foot.
100 000
personnes chantant et scandant, dans un immense amphithéâtre ouvert, autour
d’un immense terrain de foot, cela donne toujours le même son jovial de
guerriers de taverne. Un son mâle, digne descendant des chants guerriers Maori
au rugby, en Nouvelle-Zélande.
À l’Euro
2016, les équipes de foot représentent des nations : France-Brésil,
Angleterre-Russie, etc. La foule est le prolongement des guerriers s’affrontant
sur le terrain. Comme chaque paire d’équipes offre une combinaison unique, les
chants varient d’une partie à l’autre, mais le son est le même.
C’est comme
au hockey. 20 000 personnes chantant et scandant, dans un amphithéâtre fermé,
autour d’une surface réduite, cela donne toujours le même son jovial de
guerriers de taverne. Quand la partie est plate, le volume est bas. Quand la
partie est bonne, monte le volume et cale la bière.
Durant le match
Hongrie-Islande, j’ai pris ma guitare. Les hééé-ho étaient scandés sur les
notes de fa dièse et de ré, dans un accord de ré. Plus tard, les voix passaient
du sol au mi, dans un accord de do.
Durant le
match Suisse-France, la foule a aussi chanté fa dièse et ré, mais pas de
hééé-ho. La foule bleu France a chanté La
Marseillaise. La foule rouge Suisse devait regarder ailleurs.
Le son
accompagne le match comme une partition musicale un film. Il appuie l’attaque,
il module la déception et la joie. Il adrénaline. Il crâne, saute au plafond.
Le son dit toujours la vérité. Il voit parfois des passe-passe que l’arbitre ne
voit pas, et le lui fait savoir.
Ma fille
Camille écoute son émission d’Ellen DeGeneris à la télé. Assis dans une autre
pièce, je n’entends que le son. La participante arrivera-t-elle à hurler plus
fort que la précédente? On se croirait dans un concours, des ongles sur un
tableau noir.
Du point de
vue sonore, chaque émission d’Ellen est identique à la précédente. Il constitue
la trame narrative. À la longue, il entre dans la chair et la décolle des os. Nous
sommes dans le son conditionné, comme dans air conditionné. Un son fabriqué.
J’étais au
Forum de Montréal en 1993, quand le CH a remporté la coupe Stanley contre les
Kings de Los Angeles. Plus le match avançait, plus le son montait en volume. Au
milieu de la 3ème période, on n’entendait qu’un ssssssss, une tonne
de tranches de bacon en pleine cuisson.
La seule
fois que j’avais entendu ce son, c’était sur le disque des Beatles, au Shea
Stadium de New York, en 1965. Derrière les chansons du groupe, un ssssssss
identique. Comme si l’ensemble des sons avait été absorbé par le volume.
Un matin de
l’été 1964, dans la cour de l’école Cosgrove, à Ville St-Laurent, ti-cul Luc joue
au hockey avec son cousin Louis. Le numéro 9 imaginaire de Maurice Richard
imprimé sur le dos, je monte la balle au filet. Il n’y a pas de télé ni
d’Angleterre. Une aussi grosse foule peut-elle crier aussi fort dans une aussi
petite tête? Le plus beau but de ma vie.
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