Le regard met un
kilomètre à traverser le lac.
Il arrête sur
un mur d’arbres, on ne passe pas.
Ce que les
arbres ne disent pas, c’est que plus loin derrière, tout est rasé.
Une image en
cache toujours une autre.
Comme les
arbres regardent toujours vers l’avant, ils s’intéressent au lac.
Huard décolle. Jean-Pierre
dit il va faire trois fois le tour.
Il va porter
des truites aux bébés huards.
Ses pattes trainent
sur l’eau comme une roche plate rebondit à la surface.
En toile de
fond, les arbres.
Huard fait le
tour du lac. Il tourne dans le sens des aiguilles d’une Terre.
Il disparait à
droite, hors du champ de vision, et réapparait devant nous, vers la gauche.
Un vol de
truites. Des truites flyées.
Un jour, un
héron s’est empiffré de truites, dit Jean-Pierre. Il a décollé et s’est posé, gros
plein de truites.
J’imagine le
titre du Journal de Montréal : Surréservation
de truites, le héron prend le bois.
Le bruit des
ailes rappelle le son sourd d’une éolienne.
Huard amorce un
deuxième cercle. Il descend légèrement.
Les arbres
expirent de l’oxygène, go huard go.
Ce huard tire
sa puissance de la fascination.
Les chevaux de
Cavalia traversent la scène au galop.
Huard disparait
à droite. Les arbres retiennent leur CO2.
Il réapparait
vers la gauche, il a inversé sa direction.
Une truite n’y
retrouverait pas ses petits.
Huard repasse
devant les arbres, mais de droite à gauche.
Les arbres
pompent l’air.
Il repasse
devant nous, suivi par son bruit éolien.
Il disparait
vers la droite pour son troisième tour.
Il vole plus
haut que les arbres, suit sa courbe, rerepasse devant nous et sort derrière, vers
l’ouest.
Le lac est
calme.
Une rumeur
court chez les truites.
Il revient
demain.