Samedi soir,
Maxime a servi en entrée un potage pommes et courges. Comme plat principal,
spaghettis avec sauce au bœuf, porc et saucisse italienne. Et comme dessert,
tiramisu. Il a tout cuisiné.
Max est mon
neveu depuis 27 ans. Il y a deux ans, il m’a demandé un coup de main pour ses
travaux de français au cegep. Max écrit très bien, mais il ne le sait pas
encore. Il faut simplement intégrer dans l’écriture quelques éléments de
réflexion.
Pour un
prof, tomber sur un étudiant qui pose des questions et trouve ses réponses,
c’est du bonbon. Max a des travaux d’analyses comparées de textes, les plus plates
et les plus inutiles travaux en ce qui me concerne.
Max arrive
avec des questions. Nous discutons de pistes de solution. Il en choisit une,
retourne travailler, revient quelques jours plus tard avec des bases plus
solides, et ainsi de suite. Il se sert de moi comme un miroir. Il n’attend pas
que je fournisse les réponses sur un plateau d’argent, c’est lui qui tient les
commandes. Cela s’appelle une attitude d’entrepreneur.
En deux ans,
sa moyenne en français est passée de 59 à 82. C’est la différence entre fixer le plancher et se tenir droit.
Max vit dans
le 450 et veut connaitre le 514. Un stage au centre-ville va lui ouvrir les
portes de la cathédrale Marie-Reine-du-Monde, de la rue Ste-Catherine, du Golden Square Mile, du Vieux-Montréal,
et ainsi de suite. Il veut son appartement au centre-ville.
Il cause
politique, actualité, ouvre des livres d’histoire, d’archéologie, regarde des
films, cuisine. Il voit plus loin que la plupart de ses profs. On lui a déjà dit
qu’il n’irait pas plus loin que le secondaire 5.
Samedi, il
parlait de l’École de Technologie Supérieure, l’ETS. Il veut étudier en génie
informatique. Il n’y a aucun doute dans ses yeux. Pas de problème, Max. Tu
appelles le directeur, tu prends rendez-vous, tu lui dis qui tu es et ce que tu
es.
L’identité
dépend beaucoup de la personne qui te regarde. Je vois un jeune déluré qui veut,
et qui ne doute pas qu’il va. Au cegep de Max, il était mis de côté dans les
travaux d’équipe. Les membres de l’équipe ne l’appelaient pas, l’ignoraient.
Durant la présentation en classe, c’est comme si Max n’existait pas. Et lui,
timide, n’existait pas non plus.
Tout est
dans le regard. Si je regardais Max sous l’angle de la paralysie cérébrale, c’est
comme si je m’arrêtais à la couleur de la peau ou au fait d’être une femme. Je resterais
à la porte d’entrée. L’homophobie, le racisme et le sexisme procèdent tous du
même, de petits mots issus de petits esprits.
Le regard
peut toujours aller ailleurs. Ainsi, le talent n’a pas de sexe ni de couleur.
Il n’a pas la lèpre et n’est pas infirme. Chaque semaine, le dyslexique Charles
Tisseyre enseigne les avancements de la science à l’émission Découvertes, à Radio-Canada. Depuis des
années, Martin Deschamps chante le rock à partir de ses béquilles. Et le jeune
Jérémy Gabriel fait la leçon à l’humoriste Mike Ward dans les médias.
Les mots
talent, vision et bonheur ne peuvent sortir de la bouche d’un petit esprit.
Demain ou
après-demain, Max va passer les portes de l’ETS pour aller chercher sa bague
d’ingénieur. Très bon souper, Max.