mardi 29 septembre 2020

Comme une pandémie


Joyce Echaquan, de la communauté atikamekw de Manawan, est morte à l’hôpital de Joliette, lundi. Hier.

Joyce Echaquan a eu 7 enfants, comme ma mère.

Elle est morte de racisme systémique.

Le racisme a été érigé en système au Canada avec l’apparition des pensionnats autochtones, de 1820 à 1990.

Il fallait tuer l’Indien dans l’enfant, disait le premier ministre John A MacDonald.

Le racisme consistait en une série de gestes, répétés d’une génération à l’autre, comme un mantra. On enlève des jeunes de leur communauté et on les envoie dans des pensionnats pour leur enlever ce qui reste d’âme.

Dans les hôpitaux, on les enlève à la pouponnière pour les donner en adoption, un peu partout dans le monde.

Il fallait la complicité du pape, de politiciens, de policiers, de curés, de médecins et d’infirmières, de notaires, de chauffeurs de taxi et de familles d’accueil. Répétez l’opération durant des décennies, le racisme devient un système.

Le système se transmet d’une génération à l’autre. Il s’inscrit dans les esprits et les mentalités.

Le raciste en vient à détester l’autre le plus naturellement du monde. Un réflexe, un automatisme.

L’ignorance en héritage.

Dit, ça ressemble à des mots de membres du personnel de l’hôpital de Joliette, cités dans Le Journal de Montréal :«Esti d’épaisse de tabarnouche... C’est mieux mort ça. As-tu fini de niaiser... calisse? T’es épaisse en calisse», «T’as fait des mauvais choix ma belle. Qu’est-ce qui penseraient tes enfants de te voir comme ça ? Pense à eux autres un peu... C’est meilleur pour fourrer qu’autre chose, pis on paie pour ça. Qui tu penses qui paie pour ça?»

Les mots de John A. MacDonald, à la sauce 2020.

Joyce Echaquan est morte mais l’ignorance est bien vivante. Elle est payée pour se promener dans les corridors, vêtue de blanc, de vert et de bleu.

Dans un hôpital près de chez vous, mais aussi dans les rues, les corridors du Parlement et les écoles.

1820-2020, comme une pandémie de 200 ans.

Elle vient de remporter une autre victoire.







lundi 21 septembre 2020

L'ennui

 

Je lis The Beatles Anthology.

360 pages de grandes photos et de textes écrits petit, sur du papier grand format.

Ce n’est pas une brique, c’est une dalle.

Des textes dits par les Fab Four.

Je suis à la page 157.  

J’ai toujours pensé que les Beatles ont été les quatre seules personnes sur Terre à n’avoir jamais assisté à un concert des Beatles.

La Beatlemania a été créée par le public. Les quatre ont composé la musique et le monde a viré fou.

Ce que les Beatles sont les seuls à savoir, c’est à quoi ressemble un public de vrais débiles.

En tournée, le seul endroit pour être tranquille, c’est les toilettes de l’hôtel.

Je sais comment Ringo a joint le groupe. Il avait vu les autres jouer et les trouvait bons.

Les autres aussi, trouvaient Ringo bon. Pour John, le meilleur batteur de Liverpool.

Ringo, à cause de ses bagues. En français, Baguo Étoile.

Pete Best, « le plus grand has been de l’Histoire », n’était pas un bon batteur. Il n’avait pas l’esprit de groupe des autres. Il s’est battu avec Paul. Bref, s’il a été congédié, ce n’est pas parce que son sex appeal. C’est une absence de chimie.

Je sais pourquoi John était le leader.

Ringo était l’ainé parce qu’il est né avant John.

La route a été longue et intense avant.

Les Beatles ont existé durant huit ans. Pas 60, comme les Stones. Huit.

1963 a été une année d’enfer.

Le groupe a quitté Montréal une journée plus tôt, à cause de menaces de mort à l’endroit de Ringo. Un smatte n’aimait pas son nez. Ringo ne comprenait pas, il n’est pas juif.

Il a passé la soirée au Forum à placer ses cymbales pour ne pas voir le public et peut-être éviter de recevoir une balle.

Ils ont pris l’avion et ont atterri en Floride en fin d’ouragan.

Dans une page, j’arrive en 64.

Quand je les ai vus au Ed Sullivan Show, l’événement se passait dans le sous-sol chez moi, pas à la télé.

Tout ça n'intéresse personne.

Je ne vais quand même pas commencer à saupoudrer mes conversations d’anecdotes, John a dit que, et Paul a, et la guitare de Georges.

Le livre a 20 ans et les faits, près de 60.

Il se vendait 70 $ US. Vous pouvez le trouver à 9 $ CAN.

À cette époque, le virus était russe. Russie s’écrivait à l’envers, USSR.

Ce n’est pas ça non plus.

À cette époque, nous pouvions nous toucher.

Je m’ennuie.

 

 

 

 

jeudi 17 septembre 2020

Lascaux comme une histoire

  

Lascaux comme une histoire.

 

Des grottes dont les peintures pariétales affichent des scènes du quotidien.

 

Pariétal désigne les os supérieurs du crâne et la partie supérieure d’une grotte.


L’imaginaire sort du crâne, peint la grotte et invente le ciel.

 

Les dessins évoquent une vie comme les mots nomment les choses.

 

J’écris une phrase. En écrivant le mot phrase, je ne sais pas encore que le dernier mot sera terminera.

 

J’écris une phrase, je ne sais pas par quel mot elle se terminera.

 

J’avance dans la grotte, je ne connais pas la fin de l’histoire.

 

Voici le début : taureaux, chevaux, passage, cheval noir, bisons, félins, homme blessé, érection, mains.

 

Des phrases complètes : sujets, verbes, fantastiques.

 

Je n’aurai pas assez d’une vie pour faire le tour des vingt-six lettres de l’alphabet.

 

L’histoire progresse suivant l’éclairage des torches.

 

Nous sommes locataires de nos histoires.

 

Nous peignons les parois et nous passons.

 

Je ne suis pas propriétaire de ma langue non plus que de ma culture.

 

M’approprier une culture n’existe pas.

 

L’adopter est le mieux que je puisse faire. C’est déjà beaucoup.

 

Adopter diminue la violence.

 

S’approprier mène à la guerre.

 

C’est ce que je comprends de Steven Pinker, La part d’ange en nous.

 

Pinker parle la langue de Lascaux, un imaginaire dans un lieu fermé.

 

Dans les grottes de Lascaux, il y a beaucoup de mots et aucune grammaire.

 

Les mots racontent des histoires, la grammaire donne des leçons.

 

Voici la fin : taureaux, chevaux, passage, cheval noir, bisons, félins, homme blessé, érection, mains.

 

Je n’aurai jamais assez de couleurs pour faire le tour des vingt-six lettres de l’alphabet.

 

 

 

 

mardi 1 septembre 2020

Les boulons

  

On les traite de voyous. Lire extrémistes.

 

Ils ont déboulonné une statue de John A. Macdonald.

 

Moi, je n’aime pas Macdonald.

 

Le mot voyou évoque la manière.

 

On attrape la statue au lasso. Ho hisse! La stature du héros pâlit, sa statue se retrouve cul par-dessus tête, avec plus de tête.

 

Je n’aurais pas eu le culot de déboulonner la statue mais bon, c’est fait.

 

La motivation derrière ce geste est une victoire de l’instruction sur l’ignorance.

 

Les voyous racontent l’histoire telle qu’on nous l’a cachée.

 

Ce sont des sauvages, était-il écrit dans les livres d’histoire des Frères des Écoles Chrétiennes.

 

Eh bien, non. Les sauvages, c’était nous.

 

Dans les années 60, peu de gens auraient déboulonné une statue. Nous étions tous ignorants.

 

Depuis, l’instruction nous a appris que le Canada est bâti sur des vols de terres des Premières Nations et un génocide institutionnel.

 

Voyez Harold Johnson, Pierre Trudel, Serge Bouchard, Alanis Obomsawin, le rapport Vérité et réconciliation, la commission Viens et j’en passe.

 

150 ans de génocide.

 

Le génocide est le père du racisme systémique.

 

John A. Macdonald est au cœur de tout ce carnage.

 

On n’a plus le droit d’ignorer.

 

La connaissance, c’est l’ignorance virée comme une crêpe. Les boulons sautent une coche.

 

Le PM du Québec François Legault veut replacer la statue sous ses boulons.

 

Le PM du Canada Justin Trudeau hésite.

 

Le PM de l’Alberta Jason Kelly veut boulonner la statue sur le terrain de l’Assemblée législative, en Alberta.

 

Des terres volées aux Premières Nations.

 

La politique est l’art de la cohérence.

 

Tout ça à cause de voyous.

 

Ils sacrent à table et crachent dans les coins, mais ils causent correct.

 

Ils tordent le bras à l’ignorance.

 

Donald Trump parle à sa base, répètent sans cesse les journalistes.

 

John A. Macdonald a perdu la sienne.