dimanche 5 février 2023

Si j'étais ministre de l'Éducation

 

Si j’enseignais au primaire, les enfants découvriraient que deux et deux font quatre. Je leur demanderais pourquoi.


Toutes les réponses seraient bonnes.


Je n’ai pas découvert que deux et deux font quatre. On me l’a fait apprendre par coeur.


Je leur demanderais pourquoi le soleil. Si la lune a un lien de parenté avec lui. Comment poussent les fleurs et tombe la neige.


Dans les cours de français, nous découvririons la mer Champlain et les glaciers, il y a 10 000 ans. La rencontre de Samuel de Champlain et des Innus. Des histoires fantastiques.


Nous verrions pourquoi les montagnes. Nous organiserions une montagne d’expositions.


Au secondaire, dans les cours de français, nous verrions la Révolution tranquille, le télescope James-Webb. Le sel de mer et les fossiles de poissons, au sommet de l’Himalaya.


Comme le fantastique de mon enfance: le courrier de l’Aéropostale, entre Paris et Dakar, dans les années 1920. Les Jean Mermoz, Saint-Exupéry, Guillaumet, pilotes des Latécoère.


C’était le fantastique des bandes dessinées, pas de l’école.


Je commenterais leur texte, proposerais des ajustements, lirais leur nouvelle version, commenterais encore, jusqu’à ce que nous arrivions à l’idée claire.


Peu importe la matière, écrire exige de recommencer. L’écriture et l’expression orale ne sont pas l’exclusivité du cours de français.


Communiquer est le projet de tout enseignant.


Dans tous mes cours, je procéderais ainsi. Un court texte pour expliquer une formule chimique. Un autre sur la profondeur de champ en photographie. Un sur la curiosité, le désir, l’actualité. Et ainsi de suite.


Réfléchir, parler, placer les idées, se tenir debout, sont les prémices de l’écriture.


Nous découvririons des textes de partout. Nous verrions pourquoi certains sont bien écrits et d’autres pas. Pourquoi Geoff Molson est ennuyant et Barack Obama, non.


Nous travaillerions la réflexion. Pourquoi un Plan en éducation ne peut proposer sept priorités. Un Plan en éducation s’écrit comme un bon texte: une idée, des arguments et l’avenir.


Commenter un texte mal écrit dans un quotidien, le retravailler et en discuter, c’est du français, dans une perspective de communication.


Revoir les stratégies de ce texte et l’orthographe, c’est du français, dans une perspective de communication.


Articuler un texte pour expliquer comment le sel de mer se retrouve au sommet d’une montagne, c’est du français, dans une perspective de communication.


Cela s’appelle l’expression. L’idée d’abord. Les mots au service de l’idée. La grammaire et l’orthographe après.


Dans mes cours de communication au cégep Rosemont, je prenais le temps d’échanger avec chaque étudiant, chaque étudiante. Parler un peu, du texte, du public, de l’écriture.


Enseigner, c’est aimer.


À l’Université de Montréal, mes cours de rédaction portent sur la façon de réfléchir avant d’écrire. J’écris à qui, je dis quoi, quels sont mes arguments, et ainsi de suite.


Pour trois travaux de session, je demande de m’envoyer une version 1. Je la commente. Version 2. Je la commente. Version 3, et ainsi jusqu’à la finale, qui sera notée.


Si j’étais ministre de l’Éducation, je proposerais de faire de nos enfants de meilleures personnes. C’est ce que monsieur Gignac, directeur au collège Villa-Maria, avait promis aux parents: faire de vos filles de meilleures personnes.


Dans un monde idéal, tout le système convergerait vers cette seule priorité.


Mon plan de quatre ans tiendrait dans les 534 mots qui précèdent.


Apprendre aux jeunes à découvrir et à le raconter.


Le français, l’anglais, la chimie, les maths, la philosophie, dans une perspective de communication.


La première fois qu’un prof a commenté ma façon d’écrire, c’était mon directeur de mémoire de maitrise. Une première en 17 ans d’études.


Je soumettrais mon plan de 534 mots à tous les acteurs de l’Éducation. Je leur demanderais de développer un enseignement à partir de lui. De le discuter, de le réécrire, jusqu’à ce que nous arrivions à une idée claire.


Écrire un chantier comme un atelier de peintre.


Faire de nos enfants de meilleures personnes, cela débute au primaire.


Cela s’appelle commencer par le commencement.