jeudi 8 novembre 2012

Mon amie Judith

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Au soir de la réélection de Barack Obama à la présidence des États-Unis, nous avons eu droit aux discours d’un vainqueur et d’un vaincu. Les prestations de Barack Obama et de Mitt Romney ont montré une fois de plus l’abysse qui les sépare.

J’ai tout donné durant la campagne, a dit Romney. Il a bien fait de le souligner, il n’avait plus rien à dire. Dans son discours de défaite, le monsieur n’a pas traîné en longueur. Cinq minutes onze secondes, dont près de trois minutes consacrées aux remerciements. Une véritable liste d’épicerie. Romney a remercié des noms, son co-listier, ses enfants et sa tondeuse. Il a fait une déclaration de guerre, La campagne est terminée, nos principes demeurent. Et il a rêvé en couleurs, Ma femme aurait fait une bonne First Lady.

De son côté, Barack Obama nous a emmenés dans sa dimension. L’approche d’Obama est simple et pourtant, il semble le seul dans cette catégorie: Tonight, more than 200 years after a former colony won the right to determine its own destiny, the task of perfecting our Union moves forward. Obama inscrit sa communication dans une continuité, celle de la fierté. Dans les discours d’Obama, il y a un avant et un après. Il ouvre en amont et ferme en aval. La tête regarde à gauche, passe devant et tourne à droite.

À la fin de sa toute première phrase, il passe du passé au présent: ... our Union moves forward. Forward, c’est le thème de sa campagne. Il est en train de nous dire que son discours d’acceptation est un trait-d’union entre la campagne qui vient de prendre fin et les quatre prochaines années au pouvoir. Il y a quatre ans, l’avenir était sur la forme active, Yes we can; ce soir, c’est une vision.

Obama ne se contente pas de remercier des gens, il raconte leur portrait: ceux qui ont voté pour la première fois, ceux qui ont passé des heures au téléphone, ceux qui ont attendu des heures pour voter. Comme pour enraciner la grandeur du moment, il s’en tient à des exemples concrets, au quotidien des gens. Obama parle, je me reconnais. Il veut prendre une bière avec moi.

Un texte bien écrit est rythmé comme de la musique. Obama ne rate jamais l’occasion de bien livrer, c’est sa grande force. Son discours de 20 minutes prend fin sur un crescendo, c’est le Boléro de Ravel. Le crescendo monte vers le ciel, Obama aussi: God Bless America.

Depuis un mois, j’ai vu plusieurs reportages et documentaires sur Obama. Partout, la même aisance, le même naturel que ce soir au micro. Dans le bureau ovale, son adjointe lui lance un ballon de basket. Dans le même bureau, il mange des peanuts comme moi dans ma cour. Rien d’arrogant, que du naturel. Il a beaucoup été aimé par sa mère et ses grands-parents, dit mon amie Judith. C’est au fond chaque fois le message d’Obama: voici à quoi l’amour du passé ressemblera, à l’avenir.