dimanche 22 mars 2020

Un chaud lapin



L’histoire débute en page 1 du mensuel Le Monde diplomatique.

Contre les pandémies, l’écologie1, dit le titre.

Résumé grossier: à force de dépuceler les forêts et de saccager la nature, Sapiens libère d'obscurs virus.

Les chauves-souris n’ont pas apporté le virus. Le serpent ou le pangolin non plus.

Le pangolin est un mammifère à petites écailles dont la période de gestation est de cent-vingt-sept jours. Soixante-huit jours pour le pangolin de l’Inde (merci Wiki).

Sapiens n’a pas eu besoin d’une bête pour apporter le virus. Il a été assez bête pour aller le chercher tout seul. Un but sans aide.

Ce n’est pas une première. Il y a quarante mille ans, Sapiens arrive en Australie. Cela coïncide avec l’extinction systématique d’espèces animales, écrit Yuval Noah Harari dans Sapiens, une brève histoire de l’humanité.

Quarante mille ans plus tard, l’ONU déclare qu’un million d’espèces sont menacées d’extinction.

Il s’agit du même homme.

Voyez l’Amazonie, la forêt boréale, l’Exxon Valdez, la mer d’Aral, les sables bitumineux, la fonte des glaciers, les déchets de l’espace, les génocides, le continent de plastique, les caribous.

La première invention de Sapiens a été les gros sabots.

Il ne regarde jamais derrière.

Sapiens est né il y a deux-cent mille ans, trois-cent mille ans, dans la Vallée du Rift, en Éthiopie, en Tanzanie et au Kenya. Un vendredi 13.

Un jour, Sapiens a quitté l’Afrique. Certains vers l’Asie puis, les Amériques. D’autres vers l’Europe et l’Australie. Ils étaient tous Noirs.

Le Noir est l’autochtone de l’humanité.

Tout ce beau monde allait se retrouver quarante mille ans plus tard, près d’une plage, à San Salvador (Colomb), Gaspé (Cartier) ou Cuba (Cortéz).

Les Sapiens européens, devenus Anglais, Portugais, Italien, Hollandais, Français et autres américains, cherchent à dominer la nature et les hommes.

Les Sapiens Maori, Mohawks, Innu, Inuit, Cherokee, Pygmées et bien d’autres, vivent en harmonie avec la nature et les hommes.

Sapiens des villes, Sapiens des champs.

En débarquant à l’Ile de la Tortue, Sapiens français a apporté des virus qui ont tué près de soixante-dix pour cent des Sapiens autochtones de la Confédération Wabanaki2.

Personne ne l’a vue venir, après toutes ces années.

Sapiens européen a toujours vécu le pied dans le tapis.

À force d’excès de ressources, ce chaud lapin a fait fondre les glaciers du grand nord.

Aujourd’hui, la nature dit à Sapiens c’est assez.

Nous, on a besoin de la planète, dit Gary Kobinger, chercheur à l’Université Laval, mais la planète n’a pas vraiment besoin des humains3.

Le problème n’est pas français, espagnol, chinois ou portugais.

Le problème est Sapiens.

Quarante mille ans plus tard, le virus progresse. Il n’est toujours pas foutu de regarder où il met les pieds.





1 Sonia Shah, Contre les pandémies, l’écologie, Le Monde diplomatique, mars 2020
2 Édith Bélanger, Les couvertures, les virus et l’Histoire, Espaces autochtones, 20 mars 2020
3 Yves Boisvert, Se préparer pour un virus plus grave, lapresse.ca, 18 mars 2020