BBC Earth présente La forêt pluvieuse
du Congo, un des six magnifiques documentaires de la série L'Afrique.
La jungle n’arrête pas d’être verte. Le bébé oiseau mange tout rond une
grenouille, cadeau de papa oiseau. Une fourmi marche à l’intérieur de la coque
vide d’une sauterelle en mue. Des chutes, des arbres, du soleil, du sable, nos
origines.
Le plan final montre des éléphants près d'une plage. Je comprends que si je
me tiens à cet endroit, j’entendrai de la musique classique. Mais non. Par-dessus
ce magnifique univers, la musique a été placée au montage par le réalisateur.
Innocent.
C'est le défaut de ce film. Au lieu de me faire découvrir la richesse
sonore de ce nouvel univers, on me plaque une musique, comme pour l’installer
entre le sujet et moi. Me dire comment penser.
Avec cette musique, on suggère, on dirige l’interprétation. On m'empêche de
faire la mienne. On me dit où et comment regarder.
L’aveugle apprend avec sa canne. Si je lui donne la main, il n’apprend
rien.
On dit de la musique qu'elle est l'âme d'un film. Ici, elle sert de
béquille, comme dans le film Dunkirk.
En matière de films de guerre, la référence est Stephen Spielberg. Pas
Christopher Nolan. Spielberg. Saving
Private Ryan. L’action se passe dans la même guerre, quatre ans après celle
de Dunkirk.
Dans
le village de Neuville-au-Plain, en France, la compagnie de Rangers du
capitaine John H. Miller attend l’arrivée des Allemands.
Quand il n'y a rien dans un film de Spielberg, il n'y a rien. On attend et
on attend. C’est long le silence, en temps de guerre, pas mal plus efficace qu'une
béquille.
Je sais que le requin n’est pas loin mais je ne le vois pas. Je soupçonne
Spielberg de s’amuser à jouer avec mes nerfs.
Dans le silence, un son de roulette de métal rouillé. Le son monte
lentement, lentement. La peur est patiente. Les soldats savent. Pas besoin de
musique, regardez leurs yeux. Le sol tremble. La bibitte au bout du son a l'air
assez grosse, merci.
C'est un tank allemand et il n'entend pas à rire. Il va s’approcher jusqu’à
la bataille. Il apporte le son avec lui.
Spielberg est dans l'histoire, le micro est collé sur la peur. Il n’est pas
en train d’interpréter par le son, il souligne. Quand tu entends le son rythmé
du requin, tu sais qu’il est là. Et pendant ce temps, la fille gazouille en
nageant. J’ai mal avant elle.
Dans Dunkirk, une musique rythmée
joue sur l'action. Le bateau est en train de couler. Je suis avec les soldats à
l’intérieur. Le bateau coule, les portes sont fermées, l’eau monte, l’acier
hurle, les hommes capotent. En temps de guerre, l’action seule devrait créer
l'angoisse, non ? Non. On ajoute une musique rythmée, un cadence de
galériens, forte en ta, l'air de dire la
pognes-tu? Dans la salle Imax, ça brasse solide.
Je vois les images et les imagine sans son. Si les images sont bonnes,
elles n’ont pas besoin de béquille. J’ai commencé à décrocher là. Ailleurs aussi,
mais aussi là.
L'Histoire ne peut être racontée par tous de la même façon.
Une rumeur parlait de chef-d'oeuvre. Elle aurait pu se
taire.