mardi 19 mai 2020

Le temps de mots nouveaux


Notre univers est en expansion.

L’étalon de mesure passe à deux mètres. Six pieds.

L’avion, les restaurants, les autos, les trottoirs, l’air que nous respirons, tout est trop étroit.

Même les stades.

En respectant l’étalon de deux mètres, ma salle de classe peut accueillir treize personnes au lieu de soixante-quinze.

En respectant la nouvelle hygiène, il faut une heure pour préparer une classe entre deux cours.

Exit la routine et le métro.

Nouveau, boulot, dodo.

En temps normal, les gens se demandent où aller en vacances.

En temps covidé, ils se demandent où dans la maison ils les passeront.

La santé prend le pas sur l’économie.

Le consommateur redevient citoyen.

Le téléphone retrouve sa voix.

Les chiffres sortent grands perdants.

Le nombres de vieux décédés.

Les plans d’affaires désuets.

Les profits liquidés.

Le restaurant que nous avons connu n’existe plus, dit un restaurateur à la télé.

Croyez-vous encore aux chances du projet Royalmount, ce générateur de densité?

Tout le monde sait qu’il ne sait pas ce qui l’attend et pourtant, personne ne panique.

C’est une forme de démocratie, tous égaux devant l’ignorance.

L’ancien Premier ministre britannique Winston Churchill dirait il y aura des sueurs et des larmes.

Sapiens est le seul animal qui ait augmenté sa vitesse de déplacement avec le temps.

Il a transformé la nature en fusées et en fibres optiques.

La planète ne suit plus.

Un ami tape du pied, j’ai-tu hâte de reprendre mon rythme.

Tu ne le reprendras jamais.

Notre ancien rythme comportait une forme d’ignorance. Maintenant, nous savons.

Un rythme nouveau s’installe.

Il faut l’écouter.

C’est le temps de mots nouveaux.

Le monde est grand.

On est nés pour un gros pain.

À nous de les écrire.

Les chiffres suivront.



jeudi 7 mai 2020

La crise


Crise dans les CHSLD: la ministre Marguerite Blais prend sa part de responsabilité, écrit la journaliste de Radio-Canada.

Vous n’êtes pas responsable, madame Blais.

Vous n’êtes pas irresponsable non plus.

Quatre-vingt-dix pour cent des vieux ne reçoivent pas de visite dans les CHSLD.

Cela donne 25 584 personnes sur un total de 28 427 personnes en CHSLD, selon le recensement du Commissaire à la santé et au bien-être, en 2017.

La barre est basse.

Des médecins, des avocats, des chauffeurs de taxi, des députés, tout le monde fait partie de ce quatre-vingt-dix pour cent.

Cela rend quatre-vingt-dix pour cent des vieux vulnérables à la maltraitance et à la cupidité.

Cette semaine, le premier ministre François Legault a fait un énième appel pour attirer des bras aidants dans les CHSLD.

Onze-mille-deux-cents membres du personnel de soins pour les vieux sont portés malades.

François Legault a toutes les difficultés à mobiliser.

Vous reconduiriez les bras en limousine, ça ne changerait rien.

Il n’y a pas d’amour.

Un CHSLD avec beaucoup de visiteurs est plus vivant qu’un CHSLD pas de visiteurs. Cela s’appelle de l’oxygène.

Un CHSLD avec beaucoup de visiteurs ne se ferait pas traiter comme maintenant.

La politique actuelle de la Santé repose sur les hôpitaux. Dans l’entrée, il y a un tapis pour s’essuyer les pieds. Sous le tapis, il y a les CHSLD.

En 2006, nous étions les six autour de papa à l’hôpital. Sept avec maman.

C’est rare, a dit une infirmière.

Je comprends maintenant.

Nous avons coupé un lien avec nos vieux.

Augmenter le salaire de quatre dollars l’heure pour torcher quelqu’un que personne n’aime, ça ne change rien, encore moins la couche.

Nous avons peur des vieux, nous avons peur d’être malade.

La conversation avec nos enfants débute à la naissance.

Une fois vieux, nos enfants s’occupent de nous.

Peu de gens préparent leur vieillesse et beaucoup ne la préparent pas.

Nous sommes chanceux d’avoir nos enfants, disaient mes parents.

C’est normal, vous nous avez aimés.

Ça respire mieux.