mercredi 30 juin 2021

Les mots pour le dire

 

Je suis sur la Côte nord.


Cela veut dire la Côte nord du fleuve St-Laurent.


Le long de la route 138, cela veut aussi dire: quelque part entre Natashquan et Tadoussac.


792 kilomètres de côte.


Côte sous-entend eau salée.


Vous traversez le fjord du Saguenay, de Tadoussac à Baie Sainte-Catherine. Vous reprenez la même 138, mais sur la rive.


Rive sous-entend eau douce.


Le fjord du Saguenay marque la rencontre des deux eaux.


La côte opposée à la Côte nord devrait être la Côte sud.


Les gens d’ici parlent de la rive sud.


La carte du Québec la désigne Bas du fleuve.


Au Québec, le pendant de la Côte est la rive ou le Bas.


Côte désigne une bande de terre vue du large.


Au lieu de dire « Terre! Terre! », la vigie aurait pu dire « Côte! Côte! ».


La côte est donc vue d’un bateau. Ou du Bas. Ou de la Rive sud.


Bas, fleuve, côte.


Steak, blé d’Inde, patates.


Merci Robert, Larousse, Wiki, Linternaute et Usito.


Sur la Côte nord, les communautés se construisent autour des usines. L’usine ferme, la communauté aussi. Cela crée une mentalité de nomades.


Comme Gagnon. Une ville avec pas de maison.


La minière Québec-Cartier a fermé ses portes. Gagnon aussi. « Gagnon, une ville enfouie sous la terre », titre Radio-Canada.


Tourne à gauche à Baie Comeau. Suis la 389, passe la Manicouagan. Quand tu arriveras à Gagnon, il se peut que tu ne la voies pas.


Dans le Bas du fleuve, on cultive la terre. Cela crée une mentalité de sédentaires.


Entre les deux, il y a le fleuve.


La Côte nord. L’industrie et la nature.


L’environnement comme un bar ouvert.


J’allais visiter mon frère.


J’ai rencontré un pays.




samedi 19 juin 2021

9 juin 93

 


Le mercredi 9 juin 93, je travaille à moitié, de mon bureau de Cossette, avenue Docteur-Penfield.


Cinq ans, mes plus belles années de pub.


Je prépare une rencontre de biéreux à la Cage aux Sports, plus bas, sur Guy, près de Maisonneuve.


Nous allons boire le cinquième match de la série finale de la coupe Stanley, contre Los Angeles.


Le CH mène la série 3-1.


Tonight could be the night.


Vers 15 h, j’ai confirmé une quinzaine de comiques.


Vers 15 h, mon ami Jacques appelle.


J’ai deux billets pour la game.


Allo tout le monde, j’annule, je m’en vais au Forum.


Nous attendons l’ouverture des portes dans un bar.


J’ai en mains un billet de 40 $. Sur le trottoir, on m’en offre 800.


Durant la partie, nous allons chercher les bières, quatre à la fois.


Les deux premières périodes ne sont pas différentes d’une partie régulière.


La troisième période ouvre le chemin vers la 24ème coupe.


Un son monte, comme un crescendo de 20 minutes.


Les cris deviennent un sillement strident, aigü. Des milliards de criquets.


Il n’y a plus de cris, seulement une distorsion.


Ssssssssssssssssssss.


La seule fois que j’ai entendu ce son, c’est sur un enregistrement d’un concert des Beatles au Shea Stadium, le dimanche 15 août 1965.


Écoutez ça sur youtube, ça vaut le détour. Ça commence au moment où le présentateur Ed Sullivan annonce le groupe.


Après la victoire, au lieu de tourner à gauche, nous tournons à droite sur Sainte-Catherine.


À gauche, c’est le saccage.


Nous allons récupérer nos voitures chez Cossette et fêter ça à St-Sauveur.


Il y a beaucoup de monde dans nos têtes.


Je me réveille dans mon auto, sur le bord de la 15, près de Mirabel.


Il est 2 h du matin.


Je prends le chemin de Montréal et rentre à la maison.


Jacques a fini la soirée dans les bars et j’ai pris le bord de mon lit.


J’ai assisté à la parade avec mon fils Louis Karim, 4 ans, dans les bras.


En passant devant nous, le gardien Patrick Roy a regardé Louis droit dans les yeux.


Personne ne s’en souvient.


J’ai gardé mon billet.


Il n’a pas de prix.





mardi 1 juin 2021

Le genou et le cou

 

La caricature montre le genou d’un soldat israélien, posé sur le cou d’un homme Palestinien.


Cette caricature de Godin a été publiée le 25 mai, dans Le Devoir.


Il y a eu plusieurs commentaires de la part de membres de la communauté juive de Montréal.


Le sujet de cette caricature est la haine. Un sentiment aveugle, à l’origine de la scène.


C’est le genou d’un policier Blanc sur le cou d’un homme Noir aux États-Unis. L’homme Noir, George Floyd, en est mort.


C’est le genou d’un char d’assaut sur le cou d’un lance-pierre.


Le genou du génocide sur le cou de la nation.


Le genou de l’apartheid sur le cou de la justice.


Le genou du Canada sur le cou des enfants autochtones.


Le genou de la haine.


Je ne suis jamais allé en Israël ou en Palestine. Je ne connais aucun ressortissant de ces deux États.


Je lis les journaux. J’écoute la télé. J’ai lu des commentaires un peu partout.


Ma perception n’a pas changé. Le genou du gros méchant Israël est posé sur le cou du petit méchant Palestine.


Une dame écrit que cette analogie est « totalement erronée et ne sert qu’à faire la promotion d’un discours haineux ».


Elle a raison. Cette caricature illustre un discours haineux.


Celui pratiqué par des états. Celui véhiculé par les médias qui fabriquent les perceptions.


Ce dessin caricature la bêtise.


Œil pour œil, dent pour dent, encore et toujours.


Les différends entre états ne diffèrent pas tellement de ceux entre frères et sœurs.


Le plus intelligent arrêtera le premier, disait ma mère. Eh bien non.


Ce dessin caricature la bêtise de l’humanité. Elle croit toujours tout régler avec un genou.


Cette situation perdurera jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de cou.


Ce jour-là, nous n’aurons plus besoin de genou.