lundi 30 septembre 2019

Country Music



Country Music, de Ken Burns, sur PBS.

Une histoire de famille. Cent ans de musique, huit épisodes et mille-trente-huit minutes.

La musique country passe sa vie à attendre.

Mille après mille, je suis triste. Mille après mille, je m’ennuie.

Je suis un pauvre cowboy solitaire loin de son foyer.

J’arrêterai de t’attendre au jour de ma mort.

You can hear the whistle blow a hundred miles.

On attend l’autre.

L’espoir, c’est l’amour dans l’absence.

Dans La part des anges, Steven Pinker associe la musique et la peinture à l’identité.

Les grottes de Lascaux, un pays.

Le country, un pays.

La musique est un facteur de diminution de la violence, écrit Steven Pinker. Quand tu apprécies la musique de l’autre, pas besoin de le trucider.

Country Music parle de toujours la même chose. Des gens qui attendent et des chansons pour le raconter.

Le narrateur s’appelle Peter Coyote. Ça ne s’invente pas.

Country, Hillbilly, Blue Grass, Rockabilly, Fiddle, Gospel, Banjo, Harmonica & Guitar, Alabama, Texas, Louisiana, Mississippi, Kentucky, Virginia, South Carolina, Tennessee.

On dirait le Sud.

Les années passent, les voitures prennent du coffre, les instruments se bonifient, les étoiles montent.

On passe d’une maison seule dans un champ acoustique à un homme seul dans une ville électrique.

La musique country est la mal-aimée des musiques.

Elle attend toujours.





mercredi 25 septembre 2019

Il pleuvait des oiseaux



Il pleuvait des oiseaux hier au cinéma Beaubien.

Beaucoup de têtes blanches.

Encore un peu, il pleuvait l’hiver.

Un film sur la jeunesse.

Ceux et celles qui parlent de vieillissement doivent être des vieux.

Marie-Desneige, Andrée Lachapelle, Charlie, Gilbert Sicotte, Tom, Rémy Girard, Boychuck et Marc Séguin, crèvent l’écran.

La réalité rejoint la fiction.

La jeunesse est un état d’esprit.

Andrée Lachapelle, belle comme toujours.

La retenue de Gilbert Sicotte.

La guitare de Rémy Girard.

Les toiles de Marc Séguin.

Un bord de lac.

Le bois.

Aimer.

La jeunesse est une cicatrice. Elle passe sa vie à résister au vieux.

Papa est resté jeune jusque dans ses derniers mots.

Maman est restée jeune comme l’élégance.

La Terre est belle parce qu’elle est vieille.

Il est nécessaire de le dire aux enfants.





vendredi 13 septembre 2019

La dame Mohawk



Je ne souviens pas des mots de Pierre.

Je m’avance vers la dame Mohawk et lui serre la main.

Dans ses yeux, je vois des millénaires.

Les millénaires ont les yeux bruns. Ils sont femme, sensibles, directs.

Tracey Deer est réalisatrice. Elle tourne un film sur la crise d’Oka de 1990, vue par les yeux de Tracey, 12 ans.

Pierre Plante est premier assistant à la réalisation. Nous nous connaissons depuis cent ans.

Nous sommes de la famille de l’amitié.

Aujourd’hui, la petite Tracey arrive avec sa mère pour s’inscrire à un collège à Outremont.

Depuis plusieurs années, je suis dans les livres, les pow wow, les films. Je veux savoir ce qui s’est passé dans notre histoire. Je n’ai pas encore dit un seul mot, de peur de rater mon coup.

Je veux connaitre ces ainés dont on nous a séparés pour mieux les haïr, sur qui vomir, jusqu'à ne plus pouvoir les sentir. La haine est le sentiment de l’ignorance.

Les ainés sont ces gens qui étaient là avant nous. Ils nous ont accueillis. Ils ont ouvert leurs terres et leur monde.

Mon frère Gilles est l’ainé des garçons. Au chalet, il est assis au bout de la table. À l’autre bout, il y a papa.

Quand Gilles n’est pas là, je m’assois au bout de la table. C’est le plus bel endroit. Quand il est là, je laisse la place.

Michelle et Gilles sont mes ainés. Ils possèdent une partie de mon passé.

J’attends ce moment depuis deux-cent-cinquante-neuf ans. L’époque où les Anglais ont coupé les ponts entre les Premières Nations et nous.

Le troisième est le fouteur de merde, disait mon directeur de thèse.

Les Britanniques ont créé des réserves pour tenir nos ainés sous surveillance et voler leurs terres. Puis, les pensionnats, les enlèvements, les assassinats, les disparitions, le génocide et ainsi de suite.

Pas simple de renouer le contact dans ces conditions. Je ne vais quand même pas me pointer à Kahnawake, aborder un Mohawk, une tape dans le dos, viens, on va prendre un café. Nous avons certaines choses à nous dire avant.

Je pensais dire Kwe. J’ai dit nice to meet you.

Je serre la main de Tracey. Tu es ma grande sœur, disent mes yeux. Tu écris une partie de notre histoire. Merci de me recevoir chez toi.

Je ne sais pas ce que lisent ses yeux.

L’amitié ouvre toujours sur une question.

Comment vas-tu ?