samedi 18 novembre 2023

Gilles Valiquette

 


Il s’est passé quelque chose, hier soir, au théâtre Outremont.


Je dis hier, c’était le 10 novembre.


Un texte, c’est comme une chanson. Il faut prendre le temps.


Hier donc, Gilles Valiquette a débarqué sur scène avec ses meilleurs amis.


Ses musiciens, choristes, ses mots et sa guitare.


Sa génération.


Lunettes rondes, guitare Norman et cheveux longs. C’était en 73. Hier, Gilles Valiquette jouait avec une guitare Martin.


J’ai toujours aimé Gilles Valiquette le guitariste. Un son acoustique, plus riche qu’ailleurs.


Il est le genre d’artiste qui porte des lunettes pour voir.


La plupart des artistes portent des lunettes pour être vus.


Sur scène, ça donne un gars qui chante des chansons. Il a presque l’air de s’excuser d’être là.


Sur scène aussi, Paul McCartney bouge peu.


Lorsque McCartney chante Let it be, il est filmé en gros plan, cheveux noirs et barbe noire. On n’a pas besoin de plus.


Comme les Beatles. Quatre gars debout, qui grattent, tapent, chantent et sourient.


Gilles Valiquette célèbre le cinquantième anniversaire de son vinyle Chansons pour un café, enregistré en deux jours.


Dans ses mots, le cinquantième anniversaire de ses 20 ans.


Hier, Jacques Michel, Richard Séguin, François Pérusse, Normand Brathwaite, Louis Valois et Louis Valiquette sont venus, tour à tour, évoquer un bout du parcours.


Normand Brathwaite, François Pérusse et Gilles Valiquette ont formé le groupe Color Bar. Un groupe d’un soir, aux prix Gémeaux.


À la pause, une dizaine de voisins spectateurs échangent des souvenirs. Comme si nous nous connaissions depuis toujours. Ça fait du bien, disent-ils.


Il n’y a plus de cheveux blancs.


Gilles Valiquette a ouvert la porte à une génération de chansonniers, dit Richard Séguin.


Une belle porte. Bonjour, je vois la vie en rose, mets un peu de soleil dans ma vie, quelle belle journée, je suis cool.


Il a chanté Bruce et les Sultans, les Baronnets, Françoise Hardy.


On entendait ces mots libres comme l’air, hier soir. Des mots de groupe.


Poignées de mains aux amis inconnus. À la prochaine.


Il s’est passé quelque chose au Théâtre Outremont. Comme un petit bonheur.


Tous les écrans étaient fermés.






mardi 14 novembre 2023

Je suis perplexe


Je suis perplexe, dit le cinéaste Denys Arcand. J’ai de la difficulté à comprendre certaines choses de ma société.

Denys Arcand a donc écrit et réalisé Testament, un film sur le perplexe.


Des militants enragés patentés. Des jeux vidéo, plus de livres. L’identité des genres. Les médias sociaux.


La mise en scène du faux.


L’âgisme. La mise en scène du fossé.


De quoi être perplexe.


Il y a des gens comme ça, qui ont le don de mettre un mot sur mon flou.


En écoutant Denys Arcand en entrevue, j’ai tout compris. J’étais perplexe, sans le savoir.


Denys Arcand nomme les choses.


C’est le rôle des mots, dit Gilles Vigneault.


Tremper la plume dans la plaie, écrivait le journaliste français Albert Londres.


Les mots au service de l’acuité, c’est la vision.


Mettre un mot sur le malaise, ça fait du bien.


Cette année, j’ai vu On est au coton, du même Denys Arcand. Un documentaire de génie, sorti en 1970 et en 1976.


La majorité des ouvriers québécois travaillaient dans le textile. Une industrie de misère, dit-il, à Pénélope.


Le film montre les maladies d’usine, les fermetures d’usines, the factory bullshit, les chômeurs d’usine. Le déclin.


On est au coton parle d’une société qui change dans sa fibre.


Des ouvriers, des ouvrières, résignés devant la perplexité.


J'ai vu le film en 1972. Denys Arcand avait 31 ans. Moi, 17.


Le prof de cinéma Carl Mailhot nous l’avait montré sous le manteau, à la salle Émile-Legault, au cégep St-Laurent.


C’est chaud, sous le manteau.


Je n’ai pas compris le film à l’époque. Je me souviens de l’interdit.


L’industrie du textile a réussi à faire interdire la diffusion du film durant cinq ans. Cachez ce sein.


Cinquante ans plus tard, j’ai compris. On est au coton et Testament, c’est le même regard.


Deux documentaires, dont un tourné en fiction.


On vit un changement de civilisation majeur, dit Denys Arcand. On quitte la civilisation occidentale. Tous les repères vont disparaitre.


Un testament est la fin d’une course.


Et le début des héritiers.