mercredi 25 janvier 2012

Papa


Le mercredi 12 avril 2006
Chapelle de l’Église St-Laurent.

Papa,
En juillet 2005, ton cardiologue nous a fait savoir, un mercredi, que tu n’avais que 48 heures à vivre et que tu ne passerais pas la fin de semaine. Ton cœur et tes reins étaient trop faibles. À ce moment, on a coupé ta médication. Au lieu de partir, tu as pris du mieux, à tel point tu es rentré à la maison deux semaines plus tard.
À l’hôpital, on parlait de miracle; une infirmière disait n’avoir jamais vu ça en 30 ans. Nous n’étions pas vraiment surpris : tante Marie-Paule Leduc a même dit à maman que toute ta vie avait été comme ça, que tu avais toujours rebondi. C’est comme si tu avais fait un pied-de-nez à la médecine en lui disant :  « Si vous ne voyez pas d’inconvénient, je vais choisir moi-même le moment de ma sortie ». Ce que tu as fait toute ta vie.
À cette époque, j’ai écrit un texte que je t’ai lu et que tu avais trouvé assez complet. Si tu le permets, je vais le relire aujourd’hui.

Pour un petit garçon qui grandit avec un père comme toi dans une famille comme la mienne, l’enfance a l’air d’un long feu d’artifice. Avec toi, je ne me suis jamais ennuyé, tu avais toujours quelque chose de nouveau, un projet, un client, un petit frère ou une petite sœur…
Tu as toujours aimé avoir de l’espace. Tu as toujours déplacé beaucoup d’air. Quand tu achetais une auto, elle était grosse, souvent usagée, avec un gros moteur, pour une grosse famille.
Un jour, tu te promenais dans le nord avec maman. En passant à La Conception, vous avez vu un terrain qui vous a plu, sur le bord de la rivière. Vous êtes entrés chez M. Auger et vous avez acheté une bande de terrain sur le bord de la rivière. Tu  n’avais pas d’argent, mais ce n’était pas trop grave : le terrain était beau, il y avait la rivière, de l’espace et l’avenir. Tu te justifiais en disant que, « Dans la vie, il faut se créer des obligations, on n’a qu’à travailler une couple d’heures de plus».
Plus tard, tu as acheté la terre au complet. Lorsque tu as bâti le chalet, tu venais de planter dans le gazon des piquets pour marquer les dimensions de la future maison. Ensuite, tu les as regardés; comme ce n’était pas assez grand à ton goût, tu les as déplacés plus loin pour avoir plus grand. Plus tard, comme la famille grossissait, tu as agrandi la maison pour t’assurer qu’il y aurait assez de place pour tout le monde.
Ensuite, tu as acheté un petit tracteur, un Gravely rouge, pour l’entretien. Quand Gilles partait avec son lunch pour couper le gazon en bas du coteau, il en avait pour une semaine complète. Plus tard, tu as acheté la terre du voisin puis, d’autres au village. Pour toi, la vie était un espace qu’il fallait agrandir. Nous n’en avons donc jamais manqué.
Avec maman, tu as eu sept enfants : « la plus vieille » que nous n’avons pas connue, la Fouine, Gilo, le Mousse, Charlie, Côdi et Lèlèle.

Tu as bâti toute sa vie autour de deux grands pôles, le travail et la famille.
Tu as été un entrepreneur dans tous les sens du terme, en lettres majuscules, un homme qui défonçait les portes et qui n’avait peur de rien. Tu étais guidé par ton flair qui ne t’a pas souvent trompé.
Pendant des années, tu as monté ton entreprise en construction. Quand on était petits, tu nous emmenais sur tes chantiers, chez Humpty Dumpty, où on mangeait des chips tout chauds, au Collège Vanier, au Cegep St-Laurent, chez les Sœurs grises et, plus tard, les Pères Dominicains, le Manoir Victoria à Québec. C’est là que nous avons appris à travailler. Du même coup, et c’était ça ton truc, nous n’étions pas dans la rue.
Pendant longtemps, ton horaire a été assez simple : en hiver, tu travaillais six jours par semaine. Le dimanche, maman préparait des lunchs et on allait skier à Lachute avec les Lapointe. L’été, tu travaillais en ville pendant que nous étions dans le nord. Tu montais nous voir le mercredi soir, tu rentrais à Montréal le jeudi matin et remontais le vendredi soir passer la fin de semaine, à ouvrir un camping, ouvrir une discothèque, à acheter du terrain, à nous occuper des veaux, des poules, des lapins, des moutons ou des chevaux. Notre chien, un Danois, s’appelait Moustique.
Tu nous a fait construire une grange, monter des lignes électriques, réparer de la clôture, cultiver l’avoine et le maïs, peinturer les bâtisses, agrandir le chalet. Sur la ferme, on avait cinq tracteurs, deux camions, une moissonneuse-batteuse et tout l’équipement pour faire les foins et nourrir nos 150 vaches et cinq taureaux. Et quand les vaches ont été vendues, tu nous as fait planter 65 000 arbres sur le terrain. Quand on rentrait à la maison pour dîner, on avait faim.

Pendant ce temps-là, en ville, tu avais quitté le domaine de la construction pour te consacrer à d’autres commerces. Tu occupais ton temps entre la ferme, un fleuriste, une crèmerie, un « car wash », une brasserie et un motel. Ça créait des situations particulières: quand le téléphone sonnait pour toi, on répondait : « Appelez-le à la brasserie, s’il n’est pas là, il doit être au motel ». Nous devions passer pour une famille très ouverte.
Ta motivation venait de ce désir de fuir ce que tu appelais « la pauvreté maudite », que tu avais connue jeune et que tu avais tant détestée.
Tu nous as souvent parlé de son père, Joseph-Arthur, un ténor, un homme généreux, à qui tu as toujours voulu ressembler, et de ta mère, Germaine Caron, une soprano, qui a donné naissance à 16 enfants, dont ceux que nous avons connus, Édith, Madeleine et Jacqueline, Jean, Robert, Guy et Benoît.

Tu devais être un homme heureux parce que tu chantais tout le temps : dans la douche, dans l’auto en montant dans le nord, les enfants assis en arrière, sur les chantiers, sur la rue, dans le champ. Nous avons grandi dans la musique, qui nous venait de la maison de Yamachiche, où tout le monde chantait ou jouait de l’instrument.
Tu disais souvent que le temps n’allait pas assez vite et tu te couchais en ayant hâte de te lever pour aller travailler. La nuit t’embêtait parce qu’elle t’empêchait de travailler.
Le matin, vers sept heures, tes hommes venaient te rejoindre dans le stationnement, rue Dépatie. Je t’entendais par la fenêtre répartir le travail de la journée et j’étais fier. Tout le monde partait ensuite avec les camions rouges vers les chantiers. Le soir, tu étais dans ton bureau, en robe de chambre, et tu repassais ta facturation, pendant que notre oncle Paul Adam s’occupait de la comptabilité.
Tu ne prenais pas souvent de vacances. Quand cela arrivait, c’était souvent en famille, en Floride, dans le nord, en Gaspésie ou en Europe. Tu aimais voyager, mais après un certain temps, il fallait que tu rentres à la maison. Un jour, nous étions à Matane, après avoir fait le tour de la Gaspésie. Tu as dit à maman: « On va-tu coucher dans le nord? » Six heures plus tard, nous étions chez nous.

Un jour, le vent a tourné et il a plu sur le feu d’artifice. Ton flair était moins bon qu’avant, les affaires étaient difficiles et ton moral était atteint. Pour la première fois, nous avons vu nos parents passer une période difficile. Depuis toujours chez nous, les parents réglaient leurs problèmes entre eux et laissaient les enfants jouer.
Curieusement, c’est de cette période que je retiens la plus belle image de toi quand, déprimé, tu passais ta veste à carreaux et tu sortais avec ton sécateur couper des branches d’arbres, sous la pluie, pour te tenir occupé. Même dépressif, tu te tenais debout, sans te plaindre. Si le travail t’avait procuré beaucoup de bonheur dans ta vie, il contribuerait à traverser les temps durs.
Tu coupais des branches pour rester en vie.
Nous savons que tu es soulagé d’être parti. Aujourd’hui, nous allons penser à toi en termes d’héritage, de fierté, d’audace et d’honnêteté, mais surtout, de travail et de famille.
En nous faisant travailler, tu nous as demandé de voir plus loin, de penser autrement, de nous mesurer et d’être meilleurs.
Tu as exigé de nous de mettre nos ressources ensemble, plutôt que de cultiver nos différences.
Tu nous a appris à garder les pieds sur terre, à nous apprécier et à nous aimer.
Tu auras eu le génie de réussir ta vie, mais aussi de donner un coup de pouce pour nous aider à réussir la nôtre.

vendredi 13 janvier 2012

Maman

Chère Maman,
Si tu te souviens, dans la cuisine du chalet, à La Conception, il y avait une grande table en pin d’une douzaine de pieds avec, le long du mur, un banc en pin, fabriqué sur le modèle d’un banc d'église. À un bout de la table, il y avait papa. À l’autre bout, c’était la place de Gilles. Toi, Michelle et Danièle étiez assises sur les chaises. En face de vous, Paul, Claude et moi prenions place sur le banc.

J'avais pris l'habitude de placer à côté de moi sur ce banc, un livre de bandes dessinées, généralement un Tintin. La tête penchée sur mon livre, je lisais en mangeant. À l’époque, on disait qu’il n’était pas poli de lire en mangeant. Papa et toi vous demandiez que faire. Tu as suggéré laissons-le faire, il aime ça, lire. Tu étais bien placée pour m'appuyer, c'est toi qui nous as donné le goût de la lecture.

Dans les années 60, quand nous étions dans le nord l’été, nous allions chercher La Presse à St-Jovite. L’édition du samedi était la seule qui nous intéressait, il y avait les comics. Tu les sortais comme un lapin sort du chapeau et tu nous les passais à l’arrière. L’auto devenait une basse-cour, chacun voulait être le premier à lire. Nous lisions Tarzan, Dick Tracy, Maggie & Jiggs... Il y avait aussi Les histoires de l’oncle Paul, Don Bosco ou les aventures de l’Aéropostale, dans Spirou. Et Tintin nous emmenait en Chine, au Pérou, en Amérique, au Congo et au Tibet. La lecture nous faisait tourner les pages sur les événements de la vie. Nous nous battions pour lire.

Nous n’avons pas été les premiers à bénéficier de ta générosité. Plus jeune, tu avais insisté auprès de ta mère pour offrir à ta jeune sœur Hélène des cours de secrétariat. En lui offrant ce beau cadeau, tu as permis à ta soeur de travailler toute sa vie. Si notre père entrepreneur nous a appris à travailler, tu nous a appris à lire.
Quand nous étions petits, il était courant de dire Maman ne travaille pas, elle est à la maison. Chez nous, être à la maison voulait dire que tu gérais six enfants, en plus des lavages, du ménage et de la popote. Pas mal pour une personne qui ne travaille pas.

Tu es née le 22 avril 1919, juste après la fin de la Première guerre mondiale. La Deuxième guerre mondiale a débuté sur tes 20 ans. Vers l’âge de 30 ans, tu travaillais chez Boyer & Fils et tu as rencontré papa, jeune entrepreneur en construction, fraîchement arrivé de Yamachiche. Il t’a fallu beaucoup de caractère pour passer ta vie avec un bulldozer comme lui.

À cette époque, ton médecin t’a suggéré de ne pas avoir d’enfants, à cause de palpitations cardiaques. Vous vous êtes mariés et avez eu sept enfants, dont la première, une fille, n’a pas survécu à l’accouchement. Même avec nous six autour de la table, tu as toujours été la mère de sept enfants.

Mère au foyer. Mère pourvoyeuse. Quand on est petit, une mère guérit, fait du bien, elle console, donne du lait, sert à manger, chicane un peu, mais pas trop. Quand tu en avais assez, tu nous disais attends que ton père revienne. À ce moment précis, nous savions qu’il valait mieux courir vite. Toi et papa n’avez jamais levé le ton à la maison, nous avions avantage à comprendre. Quand vous aviez des problèmes, vous les régliez entre vous. Quand papa avait un projet, tu n’étais pas toujours d’accord. Et quand nous avions besoin, tu étais toujours là, nous n’avons manqué de rien.

Tu étais réputée pour ta sauce à spaghettis, tes hot dogs et tes hambugers, les trois recettes que j’ai emportées avec moi quand je suis parti de la maison. Si tu le permets, je vais faire donner une de tes recettes. Pour faire un hamburger comme les tiens, il faut du boeuf haché, des pains hamburgers et surtout, il faut être dans la lune. Je t’ai observée, un jour, dans notre maison sur Laurentien. Pendant que la boulette cuit dans la poêle en fonte, tu es perdue dans tes pensées, tu regardes ailleurs, quelque chose de plate, de préférence les armoires. Tu ne regardes pas même pas la boulette, tu appuies lentement ta spatule sur elle, c’est automatique, en l’ouvrant juste un peu, sans la briser. Le jus coule, la boulette cuit, c’est tout simplement cochon. Ta recette de hamburger, ce ne sont pas tellement les ingrédients comme la façon désintéressée de faire. On ajoute le pain et l’affaire est ketchup.

Ton spaghet faisait régulièrement partie du menu. Les meilleurs, c’était dans le nord, les samedis soir d’hiver. Nous mangions à la cuisine autour de la grande table. Nous passions ensuite au salon avec nos ballons de vin rouge, pour fumer une Export ‘A’ et voir à la télé les Canadiens de Montréal planter la planète entière. Ces souvenirs, c’est toi qui les a mijotés un à un.

Avec le temps, la table et le tablier ont fait des petits. Mike, André, Suzanne, Anne, Micheline, Lucie, Nathalie et Alain ont goûté ta cuisine. Tu as aussi invité Marie-Claude, Richard, Thomas, Annie, Philippe et Maryse, Stéphanie, Louis Karim, Camille, Maxime, Francis, Pascale, Frédérique, Charles-David, Jérôme et Sophie, Jean-Michel, Alexie et Francis, Liam et Élizabeth. Et aussi tes amies de longue date: Rita Sabourin est devenue Adam, Marie-Paule et Hélène Leduc et Alice Dolbec sont devenues nos tantes. Tu as été la doyenne de plusieurs familles.

Un jour, nous étions cinq enfants de 2 à 10 ans, tu nous a emmenés à la plage en auto, à l’autre bout du terrain. En voulant rentrer, nous nous sommes dirigés vers l’auto, le taureau du voisin se tenait tout près de la porte. Ce n’était peut-être qu’un boeuf inoffensif, mais dans notre petit esprit, cet animal à cornes était un dangereux taureau d’Espagne. Tu es restée calme, tu as lentement fait le tour de la bête. Comme si de rien n’était, tu nous a fait monter et nous sommes partis en douce.
Le jour où une vitre a coupé mon bras, je t’ai dit que je ne pouvais plus bouger trois doigts. J’avais trois tendons coupés. Tu n’as pas bronché, tu as continué de panser la coupure, mine de rien, pendant que Gilles allait chercher de l’aide au village. Sans faire de jeu de mots, tu avais beaucoup de sang-froid.

Offrir un livre à un enfant, c’est lui ouvrir un univers. Ça a l’air simple dit comme ça, mais certaines images durent une vie. En 2000, je survolais le Sahara en direction du Niger. Je regardais distraitement le sable en bas, quand j’ai aperçu un avion de l’Aéropostale en panne dans le désert. Il faisait des livraisons postales entre la France, le Maroc et le Sénégal. Son pilote, Saint-Exupéry, Mermoz ou Guillaumet, travaillait avec un mécano et espérait repartir avant se faire attaquer par les Touaregs. Ce que je voyais était plus grand que mon imagination. J’étais au-dessus de mes héros d’enfance des histoires de l’Oncle Paul, je voyais tourner les pages du Spirou. J’aurais pu être assis à l’arrière de l’auto, j’étais dans l’avion. Le temps n’a pas de prise sur la lecture.

Si tu as aussi bien su créer les liens de la connaissance par la lecture, c'est parce que tu étais toi-même un carrefour. L'aînée d'une famille de six, avec Paul, Hélène, Roger, Bernard et Jeanne. Tu étais aussi la matante tantine de Marthe, Pierre, Daniel, Jacques et Louis, les neveux nièces que tu as toujours gardés près de toi.

Depuis que tu es partie, on m’a demandé si la famille allait continuer à se voir. À nous voir aller ensemble depuis une semaine, la réponse est oui. Tu diras ça à papa, ça va lui faire plaisir.

Ma chère maman, tu nous a appris à lire, à nous tenir droit et à vivre en famille. Tu as eu une bonne idée en me laissant lire sur le banc. Aujourd’hui, c’est moi qui te fais la lecture.

(Chapelle St-Laurent, le 13 janvier 2012) 

dimanche 8 janvier 2012

Le cœur d’Auschwitz


C’est le plus beau documentaire que j’aie vu. Le cœur d’Auschwitz, c’est un film portant sur la survie d’un petit document de papier dans l’enfer d’un génocide, une carte de vœux en forme de cœur.

Le cœur d’Auschwitz, c’est impossible. Impossible qu’une telle preuve d’affection ait pu être fabriquée en enfer, à partir de matériaux volés et cachés. Impossible que les femmes qui l’ont fabriqué aient pu le faire sans se faire prendre. En enfer nazi, écrire une lettre méritait la pendaison. Dévier de sa marche d’un centimètre méritait une balle. Fabriquer une carte de vœux pour un anniversaire? Selon une survivante, c’est opération impossible. Ce cœur est la fleur qui pousse dans la dalle de béton armé. Il est réalisé par le journaliste Carl  Leblanc , de la maison de production Ad Hoc films. Diffusé sur les ondes de Radio-Canada le 5 janvier 2012, à 20h. J’ai une seule question pour Carl  Leblanc : Steven Spielberg a-t-il vu votre film? Si non, qu’attendez-vous pour le lui envoyer?

dimanche 1 janvier 2012

Mes filles


Ce samedi matin 12 décembre 2009, au lever, ma Camille fait comme à tous les matins, elle se dirige droit vers le frigo. Elle ne voit personne, elle est sur le pilote automatique. Elle est aussi un peu en crisse, sa copine Émilie vient de lui dire qu’elle ne participera pas à son travail de photos ce midi, comme promis. En s’assoyant avec ses céréales et la pinte de lait, Camille voit sur la table une bague en or appartenant à sa mère. Plus tôt, quand j’ai placé cette bague près de son assiette, je me suis dit qu’elle ne résisterait pas. Ça ne manque pas, elle la glisse sur son majeur. 1-0 pour moi.
Pendant ce temps, je me prépare à sortir avec mon autre fille, Stéphanie, aller prendre notre café au lait du samedi chez Olympico, meilleur dans le verre de carton que dans celui en vitre. Pour une première fois, la mère de mes filles nous accompagne. Mais avant de sortir nous rejoindre dans l’auto, elle reprend à Camille sa bague en or.
Puisque Stéphanie doit étudier ce matin-là, le plan de match consiste à aller au Olympico aller-retour, nous n’avons donc pas le temps de passer à la bijouterie Moug, qui ouvre à 11h, il n’est que 10h. À moins d’étirer le temps un peu. Ça peut s’arranger, le temps de se rendre, de commander, de boire les cafés, il est 10h40. Tant qu’à être sur St-Viateur, passons à la petite rôtisserie péruvienne commander des sandwiches au poulet laitue, tomates, mayo et sauce piquante pour ce midi. Ça va bien mes affaires, les sandwiches sont dans le sac, il est 11h15.
Un coup parti, on pourrait passer chez Moug?, ça va prendre 5 minutes. En arrivant à la boutique, je sors la bague en or. Salut Alex, je t’apporte la bague pour la mesure de Camille, elle la porte au majeur. C’est du 6, je vais ajuster celle que tu as achetée.
Retour en arrière. Il y a une semaine, je suis passé voir Alex avec Camille. Évidemment, je regardais ailleurs quand elle m’a dit regarde papa, la belle bague en argent ornée d’un scarabée, je la trouve donc à mon goût. Je l’ai fait mettre de côté, en catimini, ce sera la bague de ses 18 ans. Il me reste à connaître la taille de ses doigts sans qu’elle ne s’en rende compte.
Au moment où Stéphanie montre à sa mère le bracelet italien qui la fait saliver, la porte de la boutique ouvre, un client entre et demande à Alex un renseignement à propos d’un bijou dans la vitrine. C’est la providence qui me l’envoie, celui-là. Alex demande à Stéphanie peux-tu aller dehors identifier le bijou avec le client? Pendant qu’elle est sortie, je pointe le bracelet italien, Alex, peux-tu me le mettre de côté, je vais le prendre plus tard.
Bref, Camille croit que je suis allé prendre un café avec Stéphanie et Stéphanie croit que je vais chercher une bague pour Camille. Camille croit que la bague en or était sur la table par hasard et Stéphanie croit que sa mère est aussi là par hasard, elle ne pense pas une seconde que toute cette mise en scène a été préparée dans le seul but de lui choisir un bracelet italien.
En bout de ligne, toute cette gymnastique est basée sur une croyance à propos de mes filles, ni une ni l’autre ne peut résister à l’idée d’enfiler un bijou qui la regarde.
25 décembre 2009