dimanche 16 octobre 2016

Dans un Spielberg près de chez vous



Lundi matin, il y avait un bruit aigü dans mon salon. Un frottement de métal sur métal. Un son sec, il a soif, le déplacement d’un objet lourd. Je connaissais ce son mais, pour la première fois, il ne sortait pas de la télé.

Dans le village de Neuville-au-Plain, en France, la compagnie de Rangers du capitaine John H. Miller attend l’arrivée des Allemands. On entend au loin un bruit aigü de frottement de métal sur métal. Un son sec, le déplacement d’un objet lourd. Le bruit va en amplifiant. Le char d’assaut allemand ouvre le chemin aux fantassins. Saving Private Ryan, il faut sauver le soldat Ryan.

Le son vient d’une pelle mécanique. Il est écrit Hitachi Zaxis 250 LC sur la carrosserie. Ce doit être vrai. Quand je google, je vois exactement la même machine orange. Elle a assez d’âge pour que le frottement des chenilles d’acier reproduise le même son que celui d’un tank allemand roulant sur un sol sec allemand.

Ici, la pelle mécanique se déplace pour creuser la rue et remplacer les infrastructures. Dans le film de Spielberg, le même son annonce l’arrivée de l’ennemi. Il porte un casque noir, il parle allemand et n’entend pas à rire.

La pelle est immense. L’opérateur la balade de tous côtés. Une immense tranchée, large d’un trottoir à l’autre et profonde d’une vingtaine de pieds. Il lui fait passer la croupe sous les fils électriques, comme s’il dirigeait un ballet. Cet homme est un artiste.

Il y a quelque chose de jurassique dans le mouvement d’une pelle mécanique. La puissance et le poids donnent une impression de grâce. Dans le parc jurassique de Spielberg, la pelle partirait à la poursuite d’une jeep. Elle est presqu’à la hauteur de la porte du conducteur. La pelle hurle et nous sommes heureux de ne pas être assis près du miroir. Objects in mirror are closer than they appear.

Je suis probablement le seul à avoir vu un tyrannosaure sur ma rue cette semaine. Je suis probablement aussi le seul à avoir entendu les Allemands entrer dans Dresde sur ma rue. Mais je ne suis pas le seul à avoir déjà croisé Quasimodo à la cathédrale Notre-Dame-de-Paris, ou à avoir échappé à la sorcière cachée sous mon lit.

Ce matin, la pelle est devant chez moi. Par la fenêtre, je n’en vois qu’une partie, un gros plan dans une télé. Lorsqu’elle pivote, l’opérateur pourrait pousser le bouchon et la faire entrer dans le salon.

Sous la pluie dans le parc jurassique, deux enfants hurlent. Par la fenêtre de leur camionnette, on ne voit qu’une partie de la tête d’un tyrannosaure. Si l’œil est la partie visible du cerveau, celui-ci ne laisse pas de doute. Il aime la viande, il ne parle pas allemand et n’entend pas à rire.

L’opérateur de la pelle mécanique est le cœur de toute l’opération. Il vide la rue du vieux et la remplit de neuf.

L’opérateur et sa chorégraphie sont entrés dans l’écran de mon salon par la droite. Ils se dirigent lentement vers la gauche, rue de l’Église, et arrêteront au bout du contrat. À cet endroit précis, le 24 janvier 2015, la de Lorean de Marty McFly est passée juste devant moi. Poussée à 88 milles à l’heure dans une boule de lumière électrique, elle arrivait de 1985, de retour vers le futur.

Il est 11h. Le chantier ferme, il pleut.



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