lundi 1 janvier 2024

Le mot en haine

 


L’été dernier, j’ai lu presque tout Dany Laferrière.


Vingt-trois ouvrages. Plus ceux déjà lus, ça en fait 30, environ. Sur un total de 40 ouvrages, toujours environ.


Les premiers romans. Les États-Unis. Grand-mère Da. Les romans dessinés. Un vrai beau voyage.


Je n’ai pas lu certains, pour cause d’ennui. Le rythme. Le changement de ton. Un scénario de film. Un livre jeunesse. La poésie.


Le goût des jeunes filles est un récit des premiers désirs de sa jeunesse. Dans un premier temps, l’écrivain raconte l’histoire. Excellent. Puis, il passe à la forme de scénario.


Un scénario est la version corset d’un roman. Je me suis lassé.


Les longueurs se trouvent dans la tête du lecteur. Les plaisirs aussi.


Les regards, le ton, la mer et l’amour. Le charme des après-midi sans fin. Magnifique.


Je voulais voir la vie par le regard de cet homme, né Haïtien, à Port-au-Prince, en Haïti, et né écrivain, à Montréal.


Je voulais être un écrivain rock, écrit-il. Je travaillais, les fenêtres fermées, torse nu dans la fournaise de l’été. Avec une bouteille de mauvais vin au pied de la table (L’énigme du retour, p.24).


Je voulais voyager dans un seul pays.


J’étais aussi intrigué par sa perspective du mot en haine.


Dany Laferrière a eu la chance de naitre Noir, à Haïti.


Il a eu la chance de grandir dans une société pauvre. D’être séparé de sa mère pour sa sécurité. D’aller vivre chez sa grand-mère Da.


Il échappé de peu aux Tontons Macoutes, la police meurtrière d’Haïti.


Il a eu la chance de fuir Haïti.


Il a atterri par chance dans des appartements crasseux de Montréal.


Il a couché avec la fille du propriétaire. Le loyer est tombé à zéro. Il a couché avec la libraire. Les livres ne coûtaient plus rien. On se croirait dans un roman.


Il a eu la chance de travailler en usine durant huit ans.


Mine de rien, ça forme, tout ça. Et ça donne une littérature.


Les gens qui en arrachent ont une histoire.


Les gens ne semblent pas se rendre compte qu’il y a un nouveau prince dans cette ville, même si je ne suis qu’un clochard pour l’instant (Chronique de la dérive douce, p. 52).


Cela s’appelle du caractère.


Il a acheté une Remington 22, la machine à écrire son premier roman.


Quelqu’un qui écrit est un écrivain (Journal d’un écrivain en pyjama).


Je choisis quatre ouvrages, pas au hasard. Son premier roman, Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, lancé le 7 novembre 1985. La grenade que tient ce jeune nègre dans la main est-elle une arme ou un fruit?, Éroshima. Journal d’un écrivain en pyjama. Les autres suivront au hasard de la pile sur ma table.


Si je n’ai pas lu 300 fois le mot Nègre dans ses premiers ouvrages, je ne l’ai pas lu une seule fois.


Trois cents Nègres, pour quatre ou cinq Noir et zéro Négresse. Sans complaisance. Ça fait du bien.


Le pays de Dany Laferrière est beaucoup Nègre et peu Noir. Dire le mot Nègre si souvent qu’il devienne familier et perdre tout son soufre (La grenade, p. 350).


Lorsque l’écrivain Noir s’adresse à une femme Noire, aux plus beaux seins du monde, cela donne un échange auquel je n’aurais pas eu accès autrement.


Lorsqu’il se prend aux mots avec le réalisateur Noir américain Spike Lee, je suis témoin de la rage de la race.


Ces gens ne peuvent se parler sans saigner.


Ni Michel Tremblay ni Marie-Claire Blais ne m’offrent de pareils univers. Dany Laferrière navigue dans des eaux claires Noires.


Je ne suis pas avancé en ce qui a trait au mot en haine.


Je l’ai entendu 300 fois dans ma tête. J’aurais aimé l’entendre de sa bouche. Sentir la nuance.


Nègre est un pays que je ne connais pas.


Le mot nègre en créole signifie l’homme, et il nous arrive souvent de dire d’un blanc qu’il est un bon nègre. Quand fallait-il employer noir ou bien nègre? Seul un Noir pouvait dire nègre, me répondait-on. (Je suis fatigué, p.50).


Innu veut dire humain.


Algonquin, notre parenté.


Abénaki, peuple du matin.


Mi’kmakw, mes frères.


Malécite, peuple de la belle rivière.


Inuit, humains.


Maori veut dire autochtone, qui est issu du sol même où il habite (merci Wiki).


Homo sapiens, homme moderne.


Depuis 1500 ans, l’homme moderne a réduit à l’esclavage l’homme moderne slave puis, l’homme moderne africain.


Esclaves vient de Slaves. Les premiers esclaves. Pendant 1000 ans.


Quelle est l’origine des mots Blanc et Noir? demande l’écrivain.


Ils sont apparus comme des classes sociales au XVIIè siècle, (Les routes de l’esclavage, épisode 3, ARTE, 2018).


À cette même époque, l’homme moderne européen massacrait les hommes modernes autochtones des Amériques.


Homo Sapiens est la seule race qui massacre ses semblables pour le plaisir de dominer.


La seule race, capable d’adorer sa grand-mère.


Da.





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire