mercredi 13 décembre 2023

Le silence des vieux

 


Si vous arrêtiez de fermer vos ordis le soir, vous n’auriez pas ce problème.


On pourrait croire que mon fils parle de technologie.


Il parle de vieillir.


Ce n’est pas méchant.


C’est la naissance d’une nouvelle angoisse: mes parents vieillissent.


Charles de Gaulle a dit que la vieillesse était un naufrage.


Je dirais que la vieillesse est un largage.


Je suis largué. Ensuite, je coule.


Chaque génération grandit avec des technologies.


Le cheval, l’automobile, la lumière.


Le livre est mon écran.


L’arbre est dans ses feuilles.


L’habitude aidant, chaque génération prend des plis.


Lorsque papa sortait en dernier d’une pièce, il éteignait les lumières.


Un souvenir de la crise économique de 1929. Il avait 5 ans.


Lorsque je sors d’une pièce, j’éteins les lumières.


Le soir, j’éteins mon ordi.


Papa était entrepreneur électricien. Il ne blairait pas les thermostats programmables.


Lorsqu’il quittait le chalet pour la semaine, il réglait manuellement la température du thermostat.


Un jour, soyons modernes, j’ai changé les thermostats par des programmables.


Papa a réinstallé les anciens. C’est la seule fois de ma vie où je l’ai vu agir ainsi.


Il trouvait parfois notre musique bruyante. Pas toute, Black Sabbath.


Mordre dans la vie, c’est rouler à la même vitesse qu’elle.


Et pourtant.


Je me suis tenu loin du disco, du métal, du jazz fusion.


Vieillir, c’est se rendre compte que des choses s’éloignent de nous, sans avertir.


Comme couper un cordon ombilical.


Le premier, c’était pour m’accueillir.


Le second, pour me larguer.


La parade s’éloigne avec mon fils.


C’est le début du silence des vieux.





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