Je lis La passion, une chronique du journaliste Pierre Foglia, le 8 février 2006. Le quotidien La Presse rend un hommage posthume à son chroniqueur.
Nous sommes aux Jeux olympiques de Turin, en Italie, pays natal de Foglia.
Le journaliste aide Kim St-Pierre et Caroline Ouellette, deux athlètes de l’équipe de Hockey Canada, à trouver leur chemin vers la Place des Médailles, dans Turin.
Synopsis banal. Mais Foglia est devenu fameux par sa façon de raconter.
Foglia se dit toujours impressionné lorsqu’il se trouve devant des athlètes qui pratiquent des sports où il n’y a rien à aller chercher, ni argent, ni carrière, ni avenir, rien. Gratuité de l’effort. D’où le titre La passion.
Deux québécoises perdues en Italie. Un journaliste québécois né en Italie, chez lui à Turin. Je suggère que cette chronique traite plutôt d’immigration.
Vous écrirez le texte que vous voulez, le lecteur lui donne tout son sens.
En tant qu’immigrant au Québec, Pierre Foglia compte une longueur d’avance sur ses visiteuses compatriotes. Il connait deux cultures et elles, une.
C’est aussi ça, un immigrant. En plus de ne pas voler des jobs, il fait connaitre le goût du café à son voisin.
Quand tu iras dans mon pays, passe par mon village. Tu trouveras le meilleur café près du garage, en bas de chez moi. Dis à la patronne que tu viens de ma part.
Dans mes cours de communication, au Collège de Rosemont, je disais aux étudiantes toute la richesse de l’immigration.
Kim connait les cultures d’Haïti et du Québec. Kim 2, Luc 1. Adelina a grandi dans les cultures algérienne et russe, avant d’atterrir au Québec. Adelina 3, Luc 1. Et ainsi de suite.
À part les Premières Nations, nous sommes tous des immigrants.
L’autochtone est venu à pied sur le continent. Il a l’avantage de la primeur.
L’immigrant est arrivé en bateau ou en avion. Il a l’avantage de l’habitude.
Je suis descendant d’immigrant. Je soupçonne mon ancêtre Claude d’avoir été un peu frileux. À l’époque où il s’est marié, à l’Ile d’Orléans, en 1685, 85 % des colons qui arrivaient de France prenaient le bois, dit Serge Bouchard, dans le documentaire L’empreinte.
Claude s’est marié et ils eurent beaucoup d’enfants. Il a préféré la ferme à la forêt.
Un des fils de Claude s’est installé à Québec. Un fils du fils à Trois-Rivières. Puis quatre générations de fils, à Yamachiche, en Mauricie. Papa a été le premier à émigrer à Montréal, en 1943. Il sera entrepreneur en électricité, parce que ça coûtait moins cher. Une paire de pinces, un rouleau de fil et un escabeau.
Mon premier ancêtre a été un immigrant. Ses descendants, des exilés.
Bref, je ne ferai jamais la leçon aux nouveaux venus.
Pendant six ans, je les ai vus travailler dans mes cours de rédaction, français langue seconde, au Collège Maisonneuve.
Ces gens-là bûchent depuis des années dans des cours. Ils ont mieux appris le français que beaucoup d’entre nous.
Ils écrivent mieux que la majorité des Québécois.
Ils sont surpris quand je leur dis ça. Souvent, l’immigrant s’enrobe d’un complexe. Et la société d’accueil le regarde de haut.
Un cours de français langue seconde est une leçon d’humilité.
Je vis avec une immigrante.
J’ai partagé les cuisines égyptienne et libanaise avec sa famille de France, d’Angleterre, d’Egypte, de New York, de Californie et d’ici.
Un monsieur égyptien a appris à mon fils à préparer le café turc dans un terrain vague, à Ismaïlia, près du Canal de Suez.
L’anthropologue Serge Bouchard a toujours salué les rencontres. Le Québec est devenu ce que l’humoriste Boucar Diouf appelle « une société métissée serrée ».
En hommage à Pierre Foglia, La Presse publie plusieurs de ses chroniques, ces jours-ci.
Il n’a pas fini de faire écrire de lui, celui-là.
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