samedi 5 août 2017

Le diner de cons



Justin Trudeau regrette.

Dans l’édition du mois d’août du Rolling Stone Magazine, il a dit des choses pas gentilles à propos du sénateur conservateur Patrick Brazeau. Je voulais quelqu’un qui ferait office de faire-valoir, et nous sommes tombés sur un sénateur à l’air bagarreur, un dur à cuire issu d’une communauté autochtone. Il avait la tête de l’emploi et offrait un parfait contraste.

Cela s’appelle un dîner de cons.

Les deux politiciens se sont affrontés dans un combat de boxe caritatif. Caritatif veut dire de charité.

La force des mots réside dans ce qu’ils ne disent pas. Je place des mots, chacun chacune y trouve sa lecture. Un texte est un bar ouvert. Le gout de l’alcool diffère d’une bouche à l’autre.

Il aura fallu dire à Trudeau qu’il avait dit une énormité, il ne s’en est pas rendu compte par lui-même. L’ignorance est toujours perçue par l’autre.

Lorsqu’il est devant un micro, Trudeau a l’air de chercher ses mots. Nous sommes aux contours d’une coquille. Il y a de l’écho dans le son.

Dans Histoire des Américains, Daniel Boorstin explique de façon magistrale pourquoi et comment s’est développée la mentalité américaine. Une brique de 1550 pages. Gros bémol, les autochtones. Boorstin leur réserve trois mots : vengeance, cruauté et scalps.

À la page 461, il explique que, pour avoir priorité sur un terrain, il suffisait au colon d’arriver le premier et de se servir. Ce principe fut, au début, l'expression d'une réalité : celle de l'Amérique, pays neuf et inoccupé.

Inoccupé. Pour Boorstin, les peuples autochtones n’existaient pas. Ils étaient là depuis 13 000 ans.

La colonisation était inscrite dans le caractère de l’homme avant l’arrivée des premiers bateaux. Elle y est ancrée chaque jour depuis.

Le géographe québécois Louis-Edmond Hamelin côtoie les nations autochtones et Inuit depuis les années 30. Dans le documentaire Le nord au cœur, il dit la colonisation n’est pas terminée. Dans la colonisation, l’autochtone n’existe pas.

Pour Trudeau, Brazeau n’existe pas. Le même Trudeau promet une grande réconciliation avec les Premières Nations. À ma gauche, son attitude face à Brazeau et à ma droite, sa promesse de réconciliation. Les deux discours ne peuvent habiter en même temps dans une même tête.

Dans un selfie de trois minutes, Justin Trudeau présente The Story of Us, une histoire du Canada, version CBC. Un hymne Ô Canada.

Samuel de Champlain, visionnaire humaniste avant son temps, y est dépeint comme un pouilleux taré. Pour l’Anglais, le Français n’existe pas et l’autochtone, n’en parlons pas.

Parlant de crasse, cela s’appelle de l’ignorance.

Le soir du combat de boxe, la compagne de Trudeau lui demande d’être humble. J’ai une mission, dit-il. Cela s’appelle du christianisme.

Justin Trudeau est Premier ministre du Canada. À ce titre, il répand l’ignorance plus rapidement que la rumeur. Est-donc si difficile de consulter Thomas King, John Saul ou Serge Bouchard, pour mettre à jour son histoire du Canada ?

Quand j’étais journaliste chez Info Presse, le rédacteur en chef Bruno Boutot disait le titre de ton article est dans le texte.

Et quand mon beau-père choisissait un melon d’eau, il le tâtait aux extrémités et tapait dessus avec ses doigts. Le melon résonnait sa maturité.

Il faut écouter le melon.



2 commentaires:

  1. Luc, corrosif à souhait. Les deux derniers paragraphes sont anthologiques. Le reste, magistral.

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  2. J'ose pas imaginer ce que Trudeau aurait dit de son adversaire, s'il avait perdu le combat de boxe...

    T

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