lundi 7 novembre 2016

La Fabrique culturelle



La Fabrique culturelle, c’est le pays, chanté par Félix Leclerc. Pour Félix, le pays est le territoire et l’imaginaire, affection et colère.

Le territoire est plus vaste que l’individu et l’imaginaire déborde infiniment le territoire.

À 5h, le 11 août 2015, la Gaspésie de cap Bon ami passe entre chien et loup. Sur un plateau avec la mer dans le dos, Martha Wainwright s’apprête à chanter Traveller. Elle berce une centaine de personnes assises sur le gazon, des vapeurs d’oreiller dans les cheveux. La Fabrique culturelle en a fait un très joli film. Je suis dans mon pays devant mon ordi.

La Fabrique culturelle, c’est une belle et une bonne idée. Filmer ce qui se passe dans le pays de nous autres et le dire à tous via le web. Ici, les régions sont aussi belles que la grande ville. Dans une ruelle de Montréal, on ne chante pas une chanson avec la mer dans le dos. L’imaginaire a le territoire large.

La culture, c’est la manière de faire, et de la répéter. D’une génération à l’autre, nous refaisons ce que nos vieux ont fait de la même manière avant nous. Ça se passe dans une crique, sur un plateau, ou au 2001 rue St-Laurent.

Vendredi dernier, à la porte du Centre autochtone de Montréal, au 2001 rue St-Laurent, mon ami Jean-Pierre et moi croisons une connaissance de Jean-Pierre, Matthewsi, Inuit de Kuujjuaq. Il mendie à Montréal durant l’été pour chasser l’ennui. L’hiver, il remonte dans le grand nord. La culture de l’itinérance se renouvelle devant nos yeux.

La culture se conjugue au présent et l’addition des présents donne un contour au pays.

La culture consiste aussi à la raconter. Nos conteurs ont forgé des légendes autour de faiseux et de violoneux. Un faiseux, c’est quelqu’un qui faize. La Fabrique culturelle rencontre les faiseux sur place. Ils faizent des revues, des toiles, des danses, du jazz. La manière de la Fabrique est partout la même, écouter parler.

Dans un film de Wapikoni mobile, on ne dit pas où nous sommes, ni avec qui. Nous sommes dans la nuit, en direction d’une crique et d’un bateau de pêche. Le jeune homme monte à bord. Il reproduit la culture de pêche Micmac, avec des gens qu’il ne connaît pas. Je le sais parce qu’il le chante dans un rythme de rap. Une pêche au crabe à Gesgapegiag, là où la rivière s’élargit. Je comprends la langue Micmac, je lis Gaspésie.

D’une génération à l’autre depuis des millénaires, nous racontons les mêmes thèmes. L’amour, la haine, l’envie, la guerre, l’amitié. Ce qui change d’une génération à l’autre, c’est la manière de raconter. Xavier Dolan a l’air tout neuf avec son premier film, J’ai tué ma mère. Pourtant, les conflits entre un garçon et sa mère existent depuis que les mères ont des garçons.

Il faut travailler fort pour bien raconter une histoire. Faire en sorte que l’ensemble coule de source. La caméra et le micro sont mes yeux et mes oreilles. La Fabrique me berce, comme Martha.

Lorsque Félix a chanté le pays, il a mis de vieux mots dans un nouvel ordre, une image élargie. La Fabrique culturelle écrit le pays à sa façon, en montrant pour la première fois comment nous reproduisons les vieux avant nous. C’est le verbe aimer.




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