dimanche 21 août 2016

La ronde de nuit






Je viens de lire Rembrandt, peintre, graveur et dessinateur, d’Émile Michel. Deux volumes, 502 pages, dont 164 de textes et 338 de reproductions d’esquisses, d’eaux-fortes et de toiles. Deux semaines de vacances dans l’atelier hollandais de Rembrandt. Mon agent de voyage n’offre pas de forfait comme celui-là.

Je cherchais une réponse au génie de la lumière de Rembrandt, ce que l’auteur appelle le clair-obscur.

Je préfère lumière à clair-obscur. En jouant avec le rhéostat, on passe de la lumière à l’obscur. De la même manière que le chaud et le froid forment une ligne.

Yvon Turcotte, premier fabricant de thermopompes au Québec, m’expliquait que, en thermodynamique, l’air contient plus ou moins de chaleur. La sensation de froid est une résultante de l’absence de chaleur. Au lieu d’opposer le froid au chaud, on considère les deux en continu. À moins 15 degrés, l’air ne contient pas assez de chaleur pour que la thermopompe chauffe la maison.

Ce qui me fascine chez Rembrandt, c’est la lumière, pas l’obscur. La lumière est l’avant-plan de l’obscur, elle est la vedette. Je n’ai jamais entendu quelqu’un dire Ah wow, quel bel obscur!

Comment aborder de tels ouvrages? En lisant les textes et en se laissant trainer sur les images.

Un texte traitant du génie devrait-il lui-même être génial? S’il ne l’est pas, les toiles conduisent la lecture. C’est le cas ici. On complimente le monsieur, on n’explique pas son génie. Je n’ai pas trouvé ma réponse. Il faudra l’inventer.




Le génie existe dans le regard des autres. À force d’offrir une production aussi surprenante que pertinente, musique, cinéma, littérature, peinture, à forcer l’admiration et la colère, le regard des autres définit à la longue le génie.

Le génie est une bulle pour personne seule. Autour de lui, les gens cherchent, rêvent, idéalisent, fantasment, tombent en bas de leur chaise. Ils apprécient le génie sans tout comprendre. Mais lui est seul.

Le génie suit les mêmes étapes de création que toute autre personne de création. Une impression, une idée, une esquisse, une réflexion, une autre esquisse, on commence, on recommence, on re re, et ainsi de suite. Chaque esquisse est une lecture du moment, l’aboutissement d’une réflexion et le départ de la prochaine. On élimine le superflu et à un moment donné, les éléments tombent en place. La différence, c’est que le génie est toujours une coche, à la fois au-dessus et plus loin.

Vu autrement, le génie est la pointe de l’iceberg de l’intelligence. Comme elle est sous l’eau, l’intelligence n’a pas accès à la pointe. Ou encore, le génie est la carotte de l'intelligence. La carotte est par définition inaccessible; dès que l'intelligence s'en approche, le génie s'éloigne d'autant. Et l'intelligence ne voit qu'une face de la carotte. L’essentiel est invisible pour les yeux (merci Le petit prince).

On ne peint pas une toile comme La ronde de nuit en un jour. D’autant que la Ronde de nuit est en réalité une ronde de jour. Si vous observez la toile, l’éclairage est de jour. Le soleil éclaire des gens d’armes à l’intérieur d’une bâtisse. Il n’y a que la lumière du soleil pour éclairer vers le bas. Si vous avez déjà été dans une grange en été, vous connaissez cette lumière. Elle n’éclaire pas seulement, elle baigne. Rembrandt illustre dans cette toile une prise d’armes et non une ronde.

Dans tous les intérieurs de maisons de Rembrandt que j’ai vus, la lumière naturelle entre par une fenêtre à gauche. Les maisons de Rembrandt sont gauchères. Même constat pour la lumière de Vermeer, les maisons de Delft sont aussi gauchères.

La lumière de Rembrandt est souvent justifiée par une fenêtre, une chandelle, mais pas toujours. La conspiration des Bataves, par exemple.




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