samedi 16 janvier 2016

Benoît




La dame voulait acheter un piano à queue pour y déposer une plante. Benoît a dit oui et a livré lui-même le piano à la dame. Une fois chez elle, il dit à la dame, ce serait beau une harpe dans le coin.

En revenant au magasin d'instruments de musique Italmélodie, sur Jean-Talon, Benoît appelle un collègue. On vend-tu des harpes? Non, dit l'autre. Je viens d'en vendre une, 8 000 $. Quand Benoît me raconte l'anecdote, il est gamin.

La harpe était belle ce soir. Elle était accompagnée d'un quatuor à cordes, d'une flute et d'un hautbois, au concert Transatlantique, à la salle Bourgie du Musée des Beaux-arts de Montréal. Je n’avais jamais entendu Introduction et allegro, et pourtant, j’ai reconnu Maurice Ravel. La harpiste nous faisait voguer sur la mer et je pensais à cette anecdote de Benoît, comme chaque fois que je vois une harpe.

Il y a toujours eu de la musique dans la famille de mon père. Notre ancêtre, Claude Panneton, le premier débarqué ici, vers 1685, jouait du fifre. Ma grand-mère, Germaine Caron, était soprano colorature et jouait du violon. Mon grand-père Joseph-Arthur était ténor. Ma marraine, Édith, jouait du Chopin à l’oreille. Papa avait une voix de basse. Tous les frères et sœurs, Madeleine, Jean, Robert, Guy, Jacqueline et Benoît, chantaient. Benoît était un grand amateur d’opéra. Il a vendu des pianos toute sa vie.

Quand j’étais petit, il venait parfois à la maison. Il jouait aux cartes et me demandait laquelle jouer. Tout ce que je savais, c’est que j’étais amoureux de cet oncle.

Un jour, il a organisé un concert à l’église de Yamachiche pour la compagnie Wurlitzer. L’invité d’honneur, un évêque, ne savait plus arriver. Benoît s’est installé au clavier et a joué, en attendant l'arrivée de l'invité.

Papa était l’ainé des garçons et Benoît, le plus jeune. Quand papa a quitté la maison, il avait 14 ans, Benoît était bébé. Et quand mon grand-père est mort, Benoît était tout jeune. Tout jeune, c’est un peu plus vieux que bébé.

Un soir, dans sa maison de Yamachiche, Benoît a demandé à papa s’il ressemblait à leur père. Papa a répondu qu’il avait toujours voulu lui ressembler. L’affection entre deux frères est un cadeau de la vie.

Un 4 janvier, Benoît m’a appelé. Le médecin lui donnait trois ans maximum. Quand je suis arrivé à l’hôpital, deux mois plus tard, je l’ai reconnu à son regard. Il m'a dit qu'il m'aimait. Moi aussi, Benoît.





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