mercredi 27 mai 2015

Lettre à un pays




Bonjour, monsieur Péladeau,

Aussitôt élu chef du Parti Québécois, vous avez appelé les citoyens à relire l'histoire des Patriotes.

Je connais bien les Patriotes. C’est un chemin qui longe la rivière Richelieu. J'exagère. Je montre simplement à quoi ressemble l'ignorance.

Vous devez savoir trois choses avant de vous lancer dans ce projet:
Les Québécois forment un peuple d'ignorants qui ne connait pas son histoire.
Les Québécois forment un peuple d'analphabètes, la majorité ne sait ni lire ni écrire.
Les Québécois et leurs gouvernements n’ont rien à cirer de la langue française.

Lorsque, 50 ans après la Révolution tranquille, 53% de la population est toujours analphabète, et que personne ne s’en inquiète, force est de constater que la langue française et que l’Éducation n’intéressent personne. Les Québécois, c'est une minorité qui tient la majorité dans l'ignorance de son histoire, de sa langue et de son alphabet. Ici, la langue est affaire de politique, ne parlons pas d’amour.

La nation compte pourtant de magnifiques ambassadeurs. De mon vivant, Félix, Gilles Vigneault, Gaston Miron, Claude Léveillée, Clémence, Richard Desjardins. Ceux-là nomment la société que je voudrais être la mienne. Ils lui donnent ses contours et ses couleurs. Ils font rêver d'une patrie à une minorité de lettrés. Ils tracent des cercles sur l’eau et chantent l’alphabet.

L'ignorance est érigée en culture au Québec. Tu n'iras pas à l'école, ta place est aux champs. Tu n'apprendras pas à lire, ton père n'a pas d'argent. Et si tu sais lire, les curés t'enseigneront la religion et l'ignorance du reste. Tu es un porteur d’eau, né pour un petit pain.

A la maison, nous n’étions ni porteurs d’eau, ni nés pour un petit pain. Avec mon entrepreneur de père, il n’y avait pas de place pour se plaindre, mais pour travailler et bâtir. Il y a là le début d’un pays.

De Jean Lesage à Philippe Couillard, pas un seul gouvernement n'a amélioré la chose. En 2015, mon peuple est constitué en majorité d'ignorants et d'illettrés. Et vous, grand propriétaire d'imprimeries, vous voulez lui faire revoir l'histoire des Patriotes? La connaissez-vous ?

D’un côté, je suis content de ne pas la connaître, parce qu’elle vit depuis longtemps sur de fausses prémisses. Depuis ses débuts, mon histoire officielle met en opposition, elle est contre. Les francos contre les anglos, les francos contre les Indiens, les anglos contre les Indiens. Je ne crois plus à cela. J’ai récemment appris que mon histoire a débuté sur du pour.

Avez-vous lu la Déclaration d’indépendance du Bas-Canada? Signé le 28 février 1838 par Robert Nelson, président du Gouvernement provisoire de la République du Bas-Canada, le document déclare, entre autres, qu’on se servira des langues Française et Anglaise dans toute la matière publique. Qu’il y aura liberté pleine et entière de la liberté de Presse dans toutes les matières et affaires publiques. Que toute union entre l’Église et l’État est déclarée abolie, et toute personne a le droit d’exercer librement la religion et la croyance que lui dicte sa conscience. Nous sommes loin des bêtises de Bernard Drainville. Et, surtout, que tous les citoyens auront les mêmes droits; les Sauvages cesseront d’être sujets à aucune disqualification civile quelleconque, et jouiront des mêmes droits que les autres citoyens de l’État du Bas-Canada. J’ai rencontré ce texte dans une chronique de Pierre Bourgault, le 19 mai 2003, à l’émission Indicatif Présent, diffusée à Radio-Canada. Je ne pense pas que mon pays ait écrit un autre texte à la hauteur de celui-ci.

Avez-vous vu le documentaire L’Empreinte, présenté au cinéma en avril dernier? On y raconte comment les Français et les Autochtones ont vécu une alliance qui a duré 150 ans, comment les francos sont autochtones dans leur ADN. Cette rencontre est unique dans l’histoire des colonisations. Les curés nous l’ont cachée.

Je fais un lien gratuit : les Patriotes ont inclus les droits des autochtones dans leur Déclaration pour se rapprocher de leurs frères. Ils cherchaient à se débarrasser de l’emprise des Britanniques, mais aussi beaucoup à retrouver leurs racines autochtones. C’est la dimension de notre histoire qui nous manque depuis toujours. Je l’ai découverte il y a un mois. Depuis ce temps, je jongle à la relecture de nos origines dans une nouvelle perspective. Je suis de langue française, d’esprit anglo-saxon et d’ADN autochtone.

Connaître la vérité sur nos débuts change toute la perspective. Elle humanise autrement l’engagement de nos pères. Elle crée un lien nouveau entre nous.

Si vous voulez donner une pertinence à votre projet politique et redorer le blason du PQ pour ce qu’il a été, mais qu’il n’est plus, vous devez emprunter le chemin des Patriotes. Pas celui des fusils, mais des écrits. Pas celui du poing en l’air, mais de la main tendue. Une nation ne se batit pas en disant non à l’autre; une nation se batit en se disant oui.

Vous devez offrir l’alphabet aux analphabètes.
Vous devez remplacer les oeillères francophones par une vision nationale.
Vous devez refaire l’alliance entre nous, les immigrants, et nos frères autochtones, les premiers résidants. Nos premiers pas ici ont commencé par un oui.

Nous pouvons être quelque chose comme un grand peupleÊtes-vous en mesure de vous élever à la hauteur du pays?



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