J'ai reçu un courriel d'Eliana cette nuit. Eliana est la
fille d'Anna-Maria et de Benoît, et la soeur de Philippe. Elle vit à Medellin,
en Colombie. Aujourd’hui, écrit-elle, je suis allée à un concert
ici à Medellin et j’ai pensé à toi. Ils ont joué une version de Blackbird et ça
m’a rappelé nos soirées de St-Côme.
Pendant 22 ans, à chaque 13, 14 ou 15 février, nous
étions un groupe à nous retrouver au camp des jeunes, à Val St-Côme. Bon an,
mal an, de 22 à 26 personnes ont partagé les 28 lits superposés des 7 chambres
à coucher. Toute une fin de semaine à glisser, skier, patiner, hockey. Les
activités étaient séparées par les repas, 8h, midi, 5h, soyez à l'heure.
Les vendredis et samedis soir, dans le salon autour du
poêle à bois, c'était la jasette, une bière ou trois et le concert de guitare.
Concert, le mot est un peu fort. Retrouvailles serait plus juste.
Parfois, quand les enfants ne jouaient pas au hockey dans
le long corridor menant aux chambres, ils traînaient un peu partout. Couchés
sur leurs parents, les joues rouges, les yeux dans la graisse de binnes,
évachés sur le plancher ou fondus dans une chaise.
Un à un, les parents allaient coucher les enfants, pour
se retrouver seuls autour de la musique. Règle générale, couvre-feu vers 1h30
et debout à 7 pour les toasts et le café.
La cafétéria était le moment de rassemblement à six par
table, jamais les mêmes d'une fois à l'autre. Chacun chacune voyait tout le monde et tout
le monde voyait chacun chacune. Les conversations parlaient souvent de
l’international et le niveau d'intelligence était généralement inégal. Les plus
niaiseux n’étaient pas nécessairement les plus jeunes.
Pour la majorité des gens, St-Côme était le seul moment
de rencontre de l’année.
Une seule chose a changé durant toutes ces années. Les
habits de neige ont lentement grandi, pour devenir des manteaux de ski et des
parkas, des ados et des jeunes adultes. D’une année à l’autre, la musique est
devenue une référence pour tout le groupe et ses jeunes, Eliana et Philippe,
Charlotte et Louis, Stéphanie, Louis et Camille, Béatrice, Geneviève, Julia et
Alexis, Jacob et Laurent, Raphaëlle, Marine et Zoé, Diego et Alexis.
Une année, Eliana était à St-Côme, dans un autre chalet,
avec un groupe d'étudiants. Je lui ai suggéré de passer à notre chalet dimanche
matin pour un petit concert à elle. Elle est arrivée avec une copine. Elles se
sont assises sur un divan pas confortable et moi, en face. Après quelques tounes,
j’ai senti un silence. Les 22 ou 26 étaient assis autour de nous, pas un mot.
Jean-Pierre pleurait, Charles pleurait.
Quand je rentrais de St-Côme, j’ouvrais mon étui de
guitare. Elle sentait le feu de bois de foyer.
J'ai toujours dit que nous allions à St-Côme pour les
enfants. En réalité, nous y allions pour donner. Cette nuit, Eliana m’a donné.
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