Si nos copains de l'agence Sid Lee
pensaient faire un bon coup en se vantant de ne pas compter dans leurs rangs
des directeurs artistiques de plus de 40 ans, ils se sont plantés.
J’ai souvent entendu parler de cette
sortie médiatique, cette semaine encore. L’idée est simple : au-delà de 40
ans, un concepteur est bon pour la retraite. Sid Lee ne l’a pas inventée, l’anecdote
se promène dans les corridors d’agences depuis plusieurs décennies. Ce qu’elle
ne dit pas, c’est qu’un salaire de concepteur senior vaut celui de trois
juniors.
Comme Sid Lee est la première agence à
se vanter d’âgisme, elle a fait monter contre elle une vague de mépris de la
part de collègues. Pour la première fois, j'entends une agence se faire traiter
d'imbécile.
L'âgisme, c'est le racisme de l'âge. Et
le racisme est un cocktail de préjugés et d’ignorance, canalisé par la haine.
Il n’y a pas de haine dans les propos de Sid Lee, simplement une attitude
fantasque. Et le fantasque, c’est ce que les annonceurs audacieux recherchent
chez les publicitaires.
Un trop vieux, c'est quelqu'un qui
brasse des idées anciennes, dépassées. La caractéristique du vieux, c’est de
l’être au regard des autres. Je connais des gens plus jeunes que moi qui sont
plus vieux que moi. Et la femme qui m'a le plus étonné dans ma vie me parlait
avec toute l'intelligence de ses 85 ans. On peut être jeune vieux, et vieux
jeune. Bien sûr, une personne de 80 ans ne fera pas de la conception pub, nous
ne lui en demanderons pas tant.
Le milieu publicitaire est très
superficiel. Son mandat est de créer de fausses images sur de vrais produits.
Rien pour écrire à sa mère, seulement au public.
Je ne regrette pas une seule seconde de
mes années passées en agence, même si j'en suis sorti avec un congé forcé de
six mois. En fait, l'agence ma crissé dehors parce que j'avais un billet de
repos du médecin. Les Normes du travail ont ensuite rappelé ces sauvages à
l'ordre pour congédiement illégal. Parce que, à ses heures, le milieu publicitaire
peut être assez sauvage.
S'il est gratifiant pour un concepteur
de travailler des jours et des nuits pour trouver une fausse image à un vrai
produit, si les vacances ressemblent davantage à une convalescence qu’à des
vacances, les agences remplissent leurs comptes de banque avec le gingin des
concepteurs et les heures supplémentaires non payées. L’adrénaline de l’un
apporte du blé à l’autre.
En agence, j’ai cotoyé du talent, de l'intelligence
et du génie. J'ai connu la prétention, la couardise et les oeillères. J'ai vu
jusqu'où on peut aller dans la petitesse, uniquement pour s'accoler la
paternité d'une idée. J'ai appris qu’un bon créatif est un savant mélange de
stratégie et de discipline.
J'ai aussi
confirmé que la pub est la plus fantastique école de communication. Et
pourtant, je ne m'ennuie plus une seconde de la pub en agence et, aujourd’hui,
je n'envie personne qui se tape toute cette pression. C'est ce qui s'appelle la
maturité. Je suis un has been de la
pub et c'est très bien. Ce n'est certainement pas un ti-cul de 40 ans qui me
fera la leçon.
Bravo, je suis tout à fait d'accord avec toi! Je trouve ton témoignage poignant tout comme ton analyse.
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