samedi 15 juin 2013

L'âgisme



Si nos copains de l'agence Sid Lee pensaient faire un bon coup en se vantant de ne pas compter dans leurs rangs des directeurs artistiques de plus de 40 ans, ils se sont plantés.

J’ai souvent entendu parler de cette sortie médiatique, cette semaine encore. L’idée est simple : au-delà de 40 ans, un concepteur est bon pour la retraite. Sid Lee ne l’a pas inventée, l’anecdote se promène dans les corridors d’agences depuis plusieurs décennies. Ce qu’elle ne dit pas, c’est qu’un salaire de concepteur senior vaut celui de trois juniors.

Comme Sid Lee est la première agence à se vanter d’âgisme, elle a fait monter contre elle une vague de mépris de la part de collègues. Pour la première fois, j'entends une agence se faire traiter d'imbécile.

L'âgisme, c'est le racisme de l'âge. Et le racisme est un cocktail de préjugés et d’ignorance, canalisé par la haine. Il n’y a pas de haine dans les propos de Sid Lee, simplement une attitude fantasque. Et le fantasque, c’est ce que les annonceurs audacieux recherchent chez les publicitaires.

Un trop vieux, c'est quelqu'un qui brasse des idées anciennes, dépassées. La caractéristique du vieux, c’est de l’être au regard des autres. Je connais des gens plus jeunes que moi qui sont plus vieux que moi. Et la femme qui m'a le plus étonné dans ma vie me parlait avec toute l'intelligence de ses 85 ans. On peut être jeune vieux, et vieux jeune. Bien sûr, une personne de 80 ans ne fera pas de la conception pub, nous ne lui en demanderons pas tant.

Le milieu publicitaire est très superficiel. Son mandat est de créer de fausses images sur de vrais produits. Rien pour écrire à sa mère, seulement au public.

Je ne regrette pas une seule seconde de mes années passées en agence, même si j'en suis sorti avec un congé forcé de six mois. En fait, l'agence ma crissé dehors parce que j'avais un billet de repos du médecin. Les Normes du travail ont ensuite rappelé ces sauvages à l'ordre pour congédiement illégal. Parce que, à ses heures, le milieu publicitaire peut être assez sauvage.

S'il est gratifiant pour un concepteur de travailler des jours et des nuits pour trouver une fausse image à un vrai produit, si les vacances ressemblent davantage à une convalescence qu’à des vacances, les agences remplissent leurs comptes de banque avec le gingin des concepteurs et les heures supplémentaires non payées. L’adrénaline de l’un apporte du blé à l’autre.

En agence, j’ai cotoyé du talent, de l'intelligence et du génie. J'ai connu la prétention, la couardise et les oeillères. J'ai vu jusqu'où on peut aller dans la petitesse, uniquement pour s'accoler la paternité d'une idée. J'ai appris qu’un bon créatif est un savant mélange de stratégie et de discipline.

J'ai aussi confirmé que la pub est la plus fantastique école de communication. Et pourtant, je ne m'ennuie plus une seconde de la pub en agence et, aujourd’hui, je n'envie personne qui se tape toute cette pression. C'est ce qui s'appelle la maturité. Je suis un has been de la pub et c'est très bien. Ce n'est certainement pas un ti-cul de 40 ans qui me fera la leçon.



1 commentaire:

  1. Bravo, je suis tout à fait d'accord avec toi! Je trouve ton témoignage poignant tout comme ton analyse.

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