dimanche 2 juin 2013

La révolution des écrans


Je n’ai pas de iPad. Je n’ai donc pas accès à La Presse+, la nouvelle version numérique, dynamique, dithyrambique de La Presse, version papier. On en dit beaucoup de bien. Tellement, il s’agit d’un nouveau média, rien de moins. Depuis son lancement, La Presse+ a sur moi l’effet du chant des sirènes. À la différence d’Ulysse, dans L’Odyssée, je n’ai pas besoin de m’attacher à un mât pour résister. Le dilemme est ailleurs.

J’imagine que La Presse version papier me propose d’acheter pour 600 $ de papier journal vierge. Sur ce papier, dirait l’offre, nous allons t’imprimer gratuitement les nouvelles, chaque jour. C’est un peu ça, je paie 600 $ pour un iPad et je reçois gratuitement La Presse+ chaque jour. Normal, pour écouter le hockey, il faut bien acheter un écran. Mais, acheter un iPad uniquement pour La Presse+, c’est quand même gros.

Je n’ai pas de iPad parce que la fonction première de cette tablette est la lecture. J’ai compris cela au lancement iPad par Steve Jobs, le fondateur d’Apple. Il disait chercher à signer des ententes avec des éditeurs de livres scolaires. Il est là, le génie du iPad. Comme j’écris davantage que je ne lis sur un écran, je préfère l’ordi de table ou même, le iPhone, pour prendre des notes. Et comme je n’aime pas passer du temps devant un écran, je me passe aisément de celui du iPad, fût-il Retina.

La première révolution de La Presse+, c’est de rendre le numérique tellement sexy qu’il relègue le papier à l’ère du jurassique. C’est un feu roulant de télé interactive. La seconde révolution, c’est de faire assumer toutes les dépenses par les annonceurs. L’utilisateur ne paie pas un sou. C’est une façon de parler. En dehors des impôts qui vont payer les déductions fiscales favorisant le développement et la recherche, les coûts de publicité seront redistribués dans le coût de l’ensemble des produits des annonceurs. Le coût de l’information est donc entièrement dilué, nous payons par la bande. Encore un peu, La Presse+ pourrait damer le pion aux quotidiens Métro et 24h, distribués gratuitement dans le métro. L’avantage, vous ne verrez jamais un exemplaire de La Presse+ souiller le métro.

L’écran siphonne toute l’énergie du lecteur. Avec lui, il n’y a pas de place à l’imagination, uniquement à l’attention. Et aujourd’hui, force est de constater que les écrans sont partout. Tu peux faire le tour de la Gaspésie la face dans un écran. Plus il y a d’écrans, plus l’attention est requise, moins l’imagination n’a de place.

C’est une histoire de vases communicants. Plus le média est statique, plus l’imaginaire est sollicité. Devant un hiéroglyphe, un cerveau de l’époque devait posséder les clés de lecture, les codes culturels, la symbolique, les références. À la limite, le cerveau pouvait voir s’envoler le hibou ou imaginer le serpent se déplacer dans le texte. À l’opposé, un média animé comme La Presse+ donne un spectacle. Tout se passe dans l’écran. Le cerveau est ébloui, mais il travaille peu. Il se laisse remplir, comme un voyage organisé.

Comme tout nouveau média, La Presse+ va s’ajouter aux autres qui l’ont précédé. La pierre et le papier pour l’imprimé; la radio pour la tradition orale; la télé, image de la voix; l’internet, la planète; La Presse+, le mix de tous ces médias. Chaque nouveau média ajoute une couche, les anciens demeurent et s’ajustent.

En matière de médias, comme en musique, je préfère la version unplugged, non-électrique. La version unplugged de Layla, d’Éric Clapton, est certainement aussi intéressante que l’électrique, elle en est la genèse. La version unplugged du chant s’appelle a capella. La version unplugged de La Presse+, c’est l’imagination. L’écran de l’imagination, c’est l’horizon.



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