mercredi 8 février 2012

?@!**@ recherche!


Pré-tester un concept, c'est la plaie des créatifs. Nous n'y croyons pas et nous nous sentons obligés d'en endosser les résultats. Nous sommes souvent ulcérés à l'idée de faire évaluer nos concepts avec des consommateurs payés pour enfin se défouler sur la méchante pub. À mon avis, le problème de la recherche repose sur la méthode de base et, plutôt que d'en faire de l'urticaire, tentons d'y ajouter un peu de sucre pour chasser l'amertume.
Du point de vue du créatif, la recherche sert trop souvent d'argument politique visant à confirmer la peur. La peur de croire. La recherche conforte les clients, embarrasse parfois les agences et fait vivre les chercheurs.
Mais elle est là pour rester et même, pour prendre du poids en temps de récession. Et lorsque nous hurlons devant les résultats, nous n'avons pas d'autre choix que d'avaler de travers puisque tant l'agence que le client cautionnent les données soi-disant scientifiques et mesurables.
La recherche que nous pratiquons repose sur le dogme de l'objectivité. Il faut présenter une idée au public, minimiser le plus possible les interventions personnelles et contrôler un max les biais pour ne pas induire le consommateur en erreur.
On se contente, à partir des scénarios-maquette et des textes, d'expliquer de la façon la plus drabe possible (lire "objective") l'histoire du commercial, en prenant soin de rester le plus neutre possible. Et c'est là le bobo.
La publicité, faut-il le rappeler, est très physique. Elle repose sur une intention éminemment limpide: séduire dans le but de vendre. Pour séduire, on tente de débalancer le consommateur, de le surprendre, de le bousculer pour l'amener à considérer notre produit et à l'acheter. S'il est une chose que la pub ne cache pas, c'est son intention mercantile.
On comprend aisément que, faute de budget, nous ne puissions produire nos annonces avant de les tester. Mais tester un concept de carton en recherche, c'est comme donner des béquilles à un scénario-maquette et croire qu'il va marcher. Un spot fini, au contraire, contient tout des intentions des publicitaires: l'histoire, la photographie, la proposition, la musique et la sonorisation, le jeu des comédiens, etc. Tout concourt dans une seule et même direction: foncer dans le tas en se démarquant de la masse et des autres marques. "Napoléon change la face du monde", sur fond de faces rigolotes et sur son de la claire fontaine, "prenez Anacin avant d'aller au lit et ne faites plus la moue, mais l'amour", à coup de ricanements superposés et de "je t'aime, moi non plus".
Alors, si les gens de recherche sont assis sur leurs gros canons, que devons-nous faire? Changer d'artillerie. Adopter des méthodes plus qualitatives, rechercher des profils psychologiques. Si l'on parle aux passionnés de voiture, à quoi ces gens-là réagissent-ils? Comment expriment-ils leur passion? Si nous avons la prétention de faire de la publicité originale, poussons le raisonnement jusqu'à la recherche, et cherchons des méthodes originales. À force de neutralité pour ne pas faire mal, nous risquons de ne pas nous faire de bien.
Autre suggestion: lorsque nous présentons nos concepts aux clients, nous y mettons la gomme et les explications nécessaires pour expliquer le mieux possible notre approche. Faisons la même chose en recherche et présentons nous-mêmes nos concepts, puis retirons-nous et laissons l'animateur faire son travail. Soyons cohérents tout le long du processus. Il n'y a rien de plus subjectif que la pub, ayons au moins le courage de l'assumer jusqu'au bout. Et cessons de nous appuyer uniquement sur des données d'âge, de sexe, de revenu et autre couleur de faux col.
(Info-Presse, juillet 1993)

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