mardi 21 février 2012

Admirer du ketchup


Si je vous pose la question Est-ce que tu admires une banque?, vous me demanderez probablement de préciser ma pensée. C’est exactement l’exercice que j’ai fait à la lecture du titre d’une pub de la Banque de Montréal (BMO), De nouveau « la banque la plus admirée des Québécois ». Merci encore.

La BMO tire cette annonce du Palmarès des 250 entreprises les plus admirées des Québécois, publié chaque année dans le journal Les Affaires. La BMO se classe au 97è rang sur 250 entreprises, selon le sondage de la firme Léger Marketing. En passant, la pub ne parle pas du rang, il faut fouiller pour le trouver.

Pensez aux gens que vous connaissez, votre famille, vos amis, relations, connaissances, collègues, etc. Vous arrivez facilement à 100, 200 personnes, peut-être. Savez-vous le nom de la 97è personne que vous admirez? Peut-on avoir l’admiration si facile?

Est-ce que j’admire une banque? Non. J’ai déjà admiré les locaux de la succursale 001, le « siège social » de la BMO, rue St-Jacques, avec ses immenses colonnes, ses marbres et ses plafonds peints de feuilles d’or. J’ai aussi admiré une succursale de la Banque Royale sur la même rue, une architecture rivalisant avec celle de la BMO, les deux datant probablement des débuts du XXè siècle et rappelant la richesse anglo-saxonne. La BMO présente sa succursale 001 comme son siège social. C’est faux, le vrai siège social de la BMO est à Toronto, un mensonge pas très admirable.

J’ai fouillé dans ma mémoire : ai-je déjà admiré un employé de la BMO pour son efficacité dans mes dossiers? Respecté oui, admiré, non.

Est-ce que j’admire les pharmacies Jean Coutu? Non plus. Monsieur Coutu, le pharmacien fondateur, oui, mais les pharmacies? C’est comme si on demandait d’admirer des vitres, de la brique et des pilules.

J’ai déjà admiré les pyramides d’Égypte. Ici, admirer veut dire contempler un édifice hors du commun et, avec lui, ses concepteurs, ses artisans, son époque et ses mystères. Quand je regarde l’érable chez moi, l’été, j’admire la beauté de la nature, le vent dans les feuilles et la vie. C’est autre chose.

Le magazine spécialisé Info-Presse a demandé à des spécialistes de se prononcer sur le palmarès. Voici trois extraits du site infopresse.com:
·       Les grandes gagnantes sont les entreprises qui sont le plus présentes dans nos vies ou dans notre inconscient, Bernard Motulsky, Titulaire de la Chaire de relations publiques et communication marketing, UQAM.
·       Desjardins continue de perdre des plumes. Les gens ont peut-être de plus en plus l'impression que la coopérative est en train de devenir une vraie banque, Simon Langlois, professeur au Département de sociologie, Université Laval.
·       …la présence de Heinz au troisième rang m'étonne, mais il faut dire que dans l'industrie alimentaire, c'est une entreprise sans histoire, Jordan L. LeBel, Professeur de marketing, spécialisé en alimentation, École de gestion John-Molson.

Je m’étonne que personne n’ait souligné la bizarrerie d’admirer une entreprise. Mon admiration ne va pas à l’entreprise Hydro-Québec, mais au génie de ceux et celles qui en ont fait une réussite. Idem pour Bombardier, Cirque du Soleil, Ex Machina, Moment Factory & Cie. Une entreprise n’a pas d’âme, c’est une personne morale. J’apprécie les services d’une entreprise, ses produits, mais l’admiration est réservée aux gens, pas au béton ni à la brique. De la même façon, ce sont ses gens et sa mentalité qui me font horreur chez Desjardins. Mon aversion ne tient pas le fait que le Mouvement soit en train de se transformer en banque, mais à sa mentalité de bas de laine.

En passant, les cinq entreprises les plus « admirées » sont : Google, le Cirque du Soleil, Heinz, le Groupe Jean Coutu et Kellogg. Admirer du ketchup?

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