dimanche 16 juin 2024

Ma voisine la grange

 

En deux semaines, mon environnement rural est devenu urbain.


Ma voisine la grange a été rasée. La maison aussi.


La grange était belle. 120 ans, une ligne de toit bien droite.


Quand il observait une bâtisse, papa commençait par la ligne de toit. Si elle est droite, le reste se porte bien.


La maison aussi était droite. Laide, mais droite.


Une boîte à savon avec un revêtement de vinyle jaune. Du clapbord en anglais, claborde en français. Du bardeau, dit Wiki.


La maison était isolée, sans isolation.


Les deux ont été rasées à coup de pelle mécanique. Une mort violente. On voulait s’assurer de leur disparition.


Si j’avais été propriétaire, je les aurais démontées. Il y avait de beaux madriers là-dedans.


Des 4 par 8 gros comme ça. Des planches de 1 pouce par 10 et demi. En direct des années 1900.


Il n’y a plus d’arbres comme ça.


Démonter au lieu d’effacer.


Bien défaire ce qui avait été bien fait.


Faire revivre la matière dans le temps.


De jeunes hommes donnent un coup de main à leurs pères pour monter la structure.


La grange deviendra un entrepôt à légumes.


Durant ses dernières années, papa venait y jouer aux cartes avec monsieur Bélisle et monsieur Major.


Recycler au lieu d’enfouir.


Le bois avec le bois.


La tôle avec la tôle.


Les clous avec les clous.


Ceux qui pourront resservir resserviront.


C’est comme ça que papa nous a appris à travailler.


C’est comme ça que le père des frères Lemaire leur a appris à travailler.


Ils ont créé Cascades.


Il faut donner du souffle au passé.


Le démonter pour le remonter.


Donner un élan au talent de nos grands-pères.


Des fleurs pour nos grands-mères.


Une bonne histoire se compose d’éléments qui n’existent plus.


C’est le passé.


Le passé au présent s’appelle l’imaginaire.




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