samedi 23 septembre 2023

Le bruit du vent


La première génération de ma famille en Nouvelle-France s’est mariée à l’Isle d’Orléans, en 1685.

La seconde à Québec.


La suivante aux Trois-Rivières.


Quatre à Yamachiche.


Mon père est arrivé à Montréal vers 1942.


Il aura fallu près de 260 ans pour passer de l’Isle d’Orléans à Montréal.


C’est la vitesse de marche des arbres.


Le bruit du vent.


L’été dernier, j’ai vécu six semaines à Trois-Rivières. J’ai retrouvé la tranquillité de mon enfance.


Un silence normal. Des gens qui ont l’air normaux, au rythme d’une ville normale.


La ville donne le ton.


Le quartier où je vis, le Vieux Saint-Laurent, à Montréal, mesure quatre rues par onze. De Côte-Vertu à Saint-Louis, de Sainte-Croix à Marcel-Laurin.


Deux écoles primaires, une secondaire, deux cégeps. Le parc Decelles, le parc Beaudet. Mes parents. Chocomax. L’hôtel de ville. La banque. La rue Décarie, toujours un peu tout croche. Le cimetière. La bibliothèque, les pompiers. Notre maison. Nos trois enfants. Mon circuit de marche. La grange du voisin. L’érable dans la cour.


1 kilomètre, nord-sud, par 1,2 kilomètre, est-ouest.

15 minutes à pied par 17.

40 longueurs de piscine par 48.


Le bruit vient de machineries.


L’aéroport de Dorval, à 8 kilomètres. Ça vole bas, chez nous.


L’autoroute métropolitaine à un mille. La plus achalandée au pays.


Le hurlement des sirènes des camions de pompiers. Il paralyse les os.


Les pompiers volontaires ne hurlent pas.


Les sirènes de police. Extraterrestres.


Deux stations de métro.


Les moteurs diesel et hydrauliques des camions pour le compost, le recyclage et les vidanges.


L’arracheuse d’asphalte, la poseuse d’asphalte et le rouleau-compresseur d’asphalte.


Le déneigement.


La pétarade des moteurs. Les « backfire », les Gino des années 70. Le pied dans le tapis entre deux stops.


L’écho des têtes vides.


Le prix des maisons. Plus bruyant qu’à Trois-Rivières.


Le chien du voisin.


Subir.


Ces machines surdimensionnées sont conçues pour les ensembles d’autour.


Tout ce bruit pour les autres. Deux millions de personnes. Les voisins des voisines des voisins. Je vois leurs maisons, mais pas eux.


Si ces voisins voisines n’étaient pas là, il y aurait moins de bruit chez moi.

À preuve, Trois-Rivières.


Tenez, le vent dans les feuilles de mon érable.


Je l’écoute.


Je n’entends plus rien.




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