mardi 7 septembre 2021

La grange ma voisine

 

Dans ma cour, il y a un érable. À droite, de l’autre côté de la haie, une grange.


Je suis son voisin depuis près de 40 ans.


À un peu plus de 100 ans, elle est mon ainée.


Cette grange est ma voisine préférée. Elle ne fait jamais de bruit.


Les murs de la grange sont couverts d’une tôle grise. La tôle du toit est presque noire.


Derrière une petite fenêtre à carreaux, il y a une ampoule. Je peux compter sur les doigts de la main le nombre de fois où je l’ai vue allumée.


On reconnait une grange par le son de la pluie sur son toit.


La tôle protège des éléments. Une grange sous la pluie rassure comme une cathédrale. Une couverte de laine dans un espace de solitude.


Dans la grange de mon enfance, la tôle gardait le foin au sec. Il y avait aussi des carrioles, parfois un tracteur. Il y a eu des poules et, plus tard, une discothèque.


Il n’y a pas de foin chez ma voisine. La seule fois où j’y suis allé, il y avait quelques meubles.


Papa disait que cette grange avait été un entrepôt de légumes. Dans les années 80, il y jouait parfois aux cartes avec monsieur Bélisle et monsieur Major.


Je ne sais pas qui était monsieur Bélisle. Probablement une connaissance d’une époque. Monsieur Major était le propriétaire de la grange et ancien commerçant de légumes.


Papa disait combien la ligne du toit était droite. Lorsqu’il observait une bâtisse, il débutait toujours par la ligne du toit.


C’est le signe d’une construction en bon état. Elle l’est toujours.


Maman nous disait de nous tenir droit.


L’ampoule était allumée, hier.


Le voisin déposait des vieilleries dans la grange, avant de déménager. Ma voisine est devenue une poubelle.


Le nouveau propriétaire va la raser. Il est question que le silence soit remplacé par des voisins.


Ma société a de la difficulté avec le silence.


L’espace est rempli de médias. Les écrans siphonnent les gens qui s’ennuient. Des voleurs d’imaginaire.


J’ai passé beaucoup de temps à écouter l’érable dans ma cour et le mur de la grange.


Vieillir, c’est collectionner les silences.


On ne voit pas ça à la télé.




1 commentaire:

  1. J'adore les granges. Quand je roule sur les longues routes du Québec, elles m'accompagnent. J'adore le silence aussi. J'ai besoin du silence. C'est viscéral. D'ailleurs hier, du merveilleux balado d'Alain Crevier "Être", j'ai écouté les 3 épisodes sur le silence. Drôle de coïncidence!

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