mercredi 18 juillet 2018

pow-wow


Je dis à la dame Mohawk combien ces chants sont magnifiques.

Des hommes chantent, assis en cercle autour d’un tambour. Je suis à trois pieds d’eux et ça fesse en ta. Difficile de décrire autrement la puissance des chants de la terre.

Debout à l’extérieur du cercle, la voix de la dame accompagne celle des hommes.

Sur le terrain, des hommes, des femmes et des enfants dansent en grand cercle, vêtus de regalia, des habits traditionnels.

Le beau est magnifique.

Quel est ce chant ?

La grande entrée, dit la dame.

Le ton de sa voix est neutre. Il n’y a ni sourire, ni curiosité, rien. Elle m’a donné l’information que je lui ai demandée.

Une demi-seconde.

Les évènements de la crise d’Oka ont eu lieu ici en 1990. C’était en plus des 150 années de pensionnats, les enlèvements d’enfants, des viols, des meurtres, le génocide de l’État canadien.

Il y avait aussi tous ces mensonges de curés qui ravagent toujours l’enfance de générations.

Une histoire qui débute bien en français et qui vire mal en anglais.

J’aurais peut-être aussi adopté un ton neutre.

Tout se passait peut-être uniquement dans ma tête. La dame était peut-être timide, ou autre chose.

Je n’ai pas pensé à tout ça lorsque je me suis adressé à elle. Et pourtant, ce passé était là.

Lorsque j’ai touché son bras pour attirer son attention, il était aussi chaud que mes doigts.

Mon premier contact avec une dame autochtone.

Le pow-wow de Kahnawake était magnifique, ce samedi. Un lieu de rencontres.

J’y suis allé avec ma fille Camille, voir et écouter.

Camille a été impressionnée par la ressemblance de Kahnawake et de villages autochtones Maori, en Nouvelle-Zélande.


Dans un documentaire sur le géographe québécois Louis-Edmond Hamelin, un groupe tient une cérémonie devant la sépulture d’un chasseur Innu.

Le chasseur a vécu, il est né sur le territoire. Il était dans un monde circulaire du ventre de sa mère. Il est né aussi où il y avait les feux circulaires. Il mangeait son pain qui était circulaire. Il entendait les chants du tambour circulaire. Il y avait les danses circulaires. Et les saisons étaient circulaires aussi.

Ces mots sont dits par Joséphine Bacon, poétesse Innu.

Les mots servent à nommer, dit Gilles Vigneault. Louis-Edmond Hamelin a inventé le mot nordicité. Le tour de la Terre, au-delà du 49è parallèle.

L’appropriation culturelle est un vol. S’approprier veut dire prendre la place de, sans autorisation.

Le Canada est un pays Anglais, bati sur le vol, le racisme et le génocide. Je comprends le petit froid.

Je ne pourrais mieux parler des cercles que ce que les Mohawks et les Innus m’ont montré.

Il faut capter les mots lorsqu’ils passent.

J’étais à trois pieds des chanteurs et du tambour. À des siècles de la dame.

Je suggère de toucher le bras.




1 commentaire:

  1. Hey Luc !

    En lisant ceci "L’appropriation culturelle est un vol. S’approprier veut dire prendre la place de, sans autorisation.", j'ai applaudi. Cela me fait penser à mon escapade autochtone cet été dans le grand nord où j'ai vu des Anciens et leurs héritiers (communément nommés comme "Autochtones") se réapproprier leur mémoire, leurs traditions, leurs identités. En faisant escale au site de transmission culturelle ilnu Uashassihtsh à Mashteuiatsh, j'ai écrit ceci : "On découvre, on apprend, que les « Sauvages » comme les nommèrent les colons étaient d’une modernité extraordinaire. Dans modernité, il y a intelligence, créativité, responsabilité, (véritable) progrès. Les « Sauvages » n’étaient qu’une étiquette méprisante, en réalité ils étaient brillants, civilisés, humains." (https://50nuancesdedave.wordpress.com/2018/08/17/escapades-autochtones/)

    En lisant ton texte, j'y ai vu non seulement le beau magnifique, mais une modernité que nous "Civilisés" nous avons totalement perdue.

    Merci pour ces vibrations calligraphiées, toi Marcheur entre les mots.

    Ludewic

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