vendredi 3 avril 2015

Les mots me


Ça brassé fort. Artur Beterbiev avait rapidement compris que la grosse argent se trouvait dans les coffres d’Al Haymon.

J’ai relu l’extrait trois fois. Réjean Tremblay a dû manquer d’encre. A moins que le Journal de Montréal du jeudi 2 avril ait manqué d’encre ? Réjean Tremblay, le journaliste, scénariste, ancien prof de latin, récipiendaire du prix Jules-Fournier, remis en reconnaissance de la qualité de la langue de ses écrits journalistiques, par le Conseil supérieur de la langue française, eh bien, il a écrit ça brassé fort.



Ça brassé fort. Pas ça a brassé fort, ou cela a brassé fort, ou merde, quelle brasserie! Même dans une conversation, je ne peux croire que Réjean Tremblay cause de la sorte. Au moins juste laisser trainer un peu le a, comme dans çaaa brassé fort, allonger la lettre a, l’auxiliaire avoir, comme dans ça a. Dites aaa! Même pas. Ça brassé fort, et il le répète dans le paragraphe suivant.



Regardez bien : je vais taper la lettre a sur mon clavier. Vous avez vu? J’ai tapé la lettre et le a s’est affiché sur mon écran. Encore? Je tape : a. Vous voyez? Mon clavier ne manque pas d’encre. Si je veux écrire ça brassé, je dois le faire exprès.



Devinette : combien faut-il de personnes pour taper la lettre a sur un clavier? Réponse : deux. Une pour taper la lettre et une pour verser de l’encre dans le clavier.



Au fait, pourquoi ne pas être à la mode et dire ça l’a, comme tout le monde, comme le maire bien-aimé de Saguenay, Jean ‘la la’ Tremblay? Ça l’a brassé, ça l’a de la gueule, non? Ce ne sont pas les a qui manquent au Québec.



Réjean Tremblay est ce journaliste qui défend depuis des décennies la place des francophones dans la Ligue Nationale de Hockey, la LNH. Il a écrit des tonnes de copies sur le manque de respect, les élans de racisme, le manque d’élégance, manifestés à l’égard de joueurs francophones de la LNH. Une position non seulement nationaliste, mais la fierté d’une langue qui a gouté au champagne de la coupe Stanley.



L’article qui suit le ça brassé ne relate pas une dispute de taverne. Il ne s’agit pas de mots du genre j’y ai dit ma façon de penser à c’te tabarnac!, avant d’y crisser ma main daaans fassse.



L’article porte sur des tensions entourant Artur Beterbiev, un boxeur désireux de laisser tomber son ancienne mentor, pour passer dans le camp adverse d’Al Haymon. Un article bien tourné, intelligent, par un auteur qui connaît sa matière et qui sait écrire. Un article qui s’adresse à la réflexion et au jugement. Nous ne sommes pas dans un texte de crisse pi de tabarnac. Si au moins l’article avait volé au ras les pâquerettes, j’aurais compris.



Je me suis fait dire toute ma vie qu’une phrase simple était composée d’un sujet, d’un verbe et d’un complément. Pour un ignorant, il faut retirer un élément. Ainsi, une phrase simple sera composée d’un sujet, d’un verbe et d’un plément. L’instruit voit bien que cette proposition n’est pas complète. L’ignorant ne le voit pas. Par définition, l’ignorant ne voit pas ce qu’il ignore. L’ignorance est un manque qu’on ne voit pas. Pour l’ignorant, sujet, verbe, plément est une phrase plète.



Devinette : combien faut-il de personnes pour faire la promotion de l’ignorance ? Réponse : deux. Une pour l’écrire, une pour la diffuser.





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