Vers 19h aujourd’hui mardi,
heure de Paris, le robot Philae a atterri sur la
comète «Tchouri», vieille de 4,5 milliards d’années. Le robot a voyagé à bord
de la sonde européenne Rosetta durant 10 ans. Il a parcouru 6,5 milliards de
kilomètres, pour se retrouver à environ 510 millions de kilomètres d’ici. C’est
la rencontre du Big Bang et XXIème siècle, un retour à nos toutes
premières origines, la formation de la Terre. Ok, qui va annoncer la nouvelle
aux talibans ? C’est bien connu, les talibans raffolent mettre du plomb
dans la tête de ceux qui savent.
Sur lemonde.fr, l’astrophysicien Français Francis Rocard
utilisait des mots simples pour raconter en direct cette nouvelle odyssée. Vis,
train d’atterrissage, senseurs scientifiques, système d’amortissement, caisse,
voyage, largage, descente, 2,5 km/h, atterrissage, 3,5 km/h, on se serait cru
en avion.
Le nouveau arrive par de vieux mots. Je connaissais ceux
utilisés par Francis Rocard, mais rien de ce qui se passait sur Tchouri. Avec
des mots connus, Francis Rocard a fait tourner dans mon esprit un film nouveau.
Du moment où Philae atterrit (acométit ?) sur Tchouri, le film n’est plus
de fiction, mais documentaire.
Les mots sont toujours les mêmes. Ce doit être pour cette
raison que nous disons que nous n’avons rien inventé depuis 2 000 ans. Même les
mots nouveaux émergent de racines plus anciennes. Le téléphone sonne :
allo ! En grec, allo veut dire autre. Le nouveau, c’était le téléphone de
monsieur Bell. Télé, loin, phone, voix. En son temps, le téléphone
a été une comète. Celle-là, les talibans l’ont ratée, ils n’avaient pas le
téléphone.
Le mot internet vient du mot anglais internetting, interconnecter les réseaux. Et Wikipédia vient du mot
hawaïen wiki, vite. Wiki se dit aussi vite que vite. Paideia, mot grec, veut dire éducation. Bref, les mots se
régénèrent en fonction des nouvelles réalités.
Israel Kamakawiwo’ole aussi venait des îles d’Hawaïi. Son
ukulele avait l’air minuscule sur son immense corps. Une comète sur une
planète, lorsqu’il chantait Somewhere
over the rainbow. Une voix pour flotter sur l’eau. Les cendres d’Israel
Kamakawiwo’ole ont été dispersées dans l’océan, dont les scientifiques pensent
que l’eau vient de la glace des comètes qui ont heurté la Terre.
Au début, il n’y avait que du magma. À la longue, il a
refroidi. Il s’est regénéré, les océans, les continents, la vie est sortie de
l’eau, l’homme est descendu du singe et Philae dort sur Tchouri. Un satellite
issu du magma. Il aura fallu tout ce temps pour que cette rencontre
improbable ait lieu.
La matière sur laquelle nous marchons chaque jour a déjà
été en fusion. Elle s’est refroidie et a durci. Elle a permis la vie. Comme les
mots. Ils sont parfois en fusion, ils refroidissent aussi.
Si nous utilisons les mêmes mots pour décrire de
nouvelles réalités, ce doit être parce qu’il n’y a rien de nouveau. Christophe
Colomb débarque en Amérique, Neil Armstrong sur la Lune et Philae sur Tchouri.
Le même geste, de plus en plus loin, avec des outils différents et les mêmes
mots. Vers l’infini et plus loin encore, dirait le jouet Buzz Light Year, du
film Toy Story.
Mon cerveau ne peut comprendre tout l’univers, Rosetta et
le plus long rendez-vous de l’Histoire. Les mots, oui. Ils enveloppent
l’univers, le nomment et racontent les histoires. Pour eux, six milliards, ce
n’est qu’un chiffre. Pour mon cerveau, c’est le vertige.
Question : une comète se déplace dans l’univers à la
vitesse de 66 000 km/h. Combien de kilomètres a-t-elle parcouru depuis sa
naissance, il y a 4,5 milliards d’années ? Le taliban cherche les Advil.
On dirait le sud, le temps dure longtemps et la vie
sûrement plus d’un million d’années, chante Nino Ferrer. Notre alphabet compte
26 lettres. Nous n’aurons pas assez de toutes nos vies pour en faire le tour.
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