samedi 15 novembre 2014

On dirait le sud


Vers 19h aujourd’hui mardi, heure de Paris, le robot Philae a atterri sur la comète «Tchouri», vieille de 4,5 milliards d’années. Le robot a voyagé à bord de la sonde européenne Rosetta durant 10 ans. Il a parcouru 6,5 milliards de kilomètres, pour se retrouver à environ 510 millions de kilomètres d’ici. C’est la rencontre du Big Bang et XXIème siècle, un retour à nos toutes premières origines, la formation de la Terre. Ok, qui va annoncer la nouvelle aux talibans ? C’est bien connu, les talibans raffolent mettre du plomb dans la tête de ceux qui savent.

Sur lemonde.fr, l’astrophysicien Français Francis Rocard utilisait des mots simples pour raconter en direct cette nouvelle odyssée. Vis, train d’atterrissage, senseurs scientifiques, système d’amortissement, caisse, voyage, largage, descente, 2,5 km/h, atterrissage, 3,5 km/h, on se serait cru en avion.

Le nouveau arrive par de vieux mots. Je connaissais ceux utilisés par Francis Rocard, mais rien de ce qui se passait sur Tchouri. Avec des mots connus, Francis Rocard a fait tourner dans mon esprit un film nouveau. Du moment où Philae atterrit (acométit ?) sur Tchouri, le film n’est plus de fiction, mais documentaire.

Les mots sont toujours les mêmes. Ce doit être pour cette raison que nous disons que nous n’avons rien inventé depuis 2 000 ans. Même les mots nouveaux émergent de racines plus anciennes. Le téléphone sonne : allo ! En grec, allo veut dire autre. Le nouveau, c’était le téléphone de monsieur Bell. Télé, loin, phone, voix. En son temps, le téléphone a été une comète. Celle-là, les talibans l’ont ratée, ils n’avaient pas le téléphone.

Le mot internet vient du mot anglais internetting, interconnecter les réseaux. Et Wikipédia vient du mot hawaïen wiki, vite. Wiki se dit aussi vite que vite. Paideia, mot grec, veut dire éducation. Bref, les mots se régénèrent en fonction des nouvelles réalités.

Israel Kamakawiwo’ole aussi venait des îles d’Hawaïi. Son ukulele avait l’air minuscule sur son immense corps. Une comète sur une planète, lorsqu’il chantait Somewhere over the rainbow. Une voix pour flotter sur l’eau. Les cendres d’Israel Kamakawiwo’ole ont été dispersées dans l’océan, dont les scientifiques pensent que l’eau vient de la glace des comètes qui ont heurté la Terre.

Au début, il n’y avait que du magma. À la longue, il a refroidi. Il s’est regénéré, les océans, les continents, la vie est sortie de l’eau, l’homme est descendu du singe et Philae dort sur Tchouri. Un satellite issu du magma. Il aura fallu tout ce temps pour que cette rencontre improbable ait lieu.

La matière sur laquelle nous marchons chaque jour a déjà été en fusion. Elle s’est refroidie et a durci. Elle a permis la vie. Comme les mots. Ils sont parfois en fusion, ils refroidissent aussi.

Si nous utilisons les mêmes mots pour décrire de nouvelles réalités, ce doit être parce qu’il n’y a rien de nouveau. Christophe Colomb débarque en Amérique, Neil Armstrong sur la Lune et Philae sur Tchouri. Le même geste, de plus en plus loin, avec des outils différents et les mêmes mots. Vers l’infini et plus loin encore, dirait le jouet Buzz Light Year, du film Toy Story.

Mon cerveau ne peut comprendre tout l’univers, Rosetta et le plus long rendez-vous de l’Histoire. Les mots, oui. Ils enveloppent l’univers, le nomment et racontent les histoires. Pour eux, six milliards, ce n’est qu’un chiffre. Pour mon cerveau, c’est le vertige.

Question : une comète se déplace dans l’univers à la vitesse de 66 000 km/h. Combien de kilomètres a-t-elle parcouru depuis sa naissance, il y a 4,5 milliards d’années ? Le taliban cherche les Advil.

On dirait le sud, le temps dure longtemps et la vie sûrement plus d’un million d’années, chante Nino Ferrer. Notre alphabet compte 26 lettres. Nous n’aurons pas assez de toutes nos vies pour en faire le tour.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire