vendredi 3 octobre 2014

Renaud Garcia-Fons


Cette semaine, j’ai vu la perfection. En pitonnant une litanie d’émissions plates, je suis tombé dans un moment de grâce sur la chaîne spécialisée Planète +. L’effet est instantané. Tu es ailleurs, tu ne sais pas où, c’est la perfection.

Renaud Garcia-Fons joue de la contrebasse. Il vole sur sa contrebasse. Avec ce qu’on appelait des mains de guitariste, de longs doigts au bout de mains minces.

Comme le violon et le violoncelle, la contrebasse n’a pas de touches sur le manche. Le musicien doit être excessivement précis à chacune de ses notes. La guitare, la mandoline et le banjo ont des touches sur le manche pour indiquer l’emplacement des notes. Le niveau de difficulté est différent.


Renaud-Garcia-Fons sur une contrebasse, c’est un violon, une sirène, une soprano colorature, une guitare flamenco, une tambourine, Jimi Hendrix. Ce n’est pas que Garcia-Fons imite Hendrix. La musique a décollé, nous ne sommes plus dans l’instrument.

Pour comprendre, il faut le voir jouer. Ce que vous entendez passe plus vite que ce que vous voyez. En même temps, ce que vous voyez est du jamais vu. Votre cerveau est toujours un peu en retard. Ça a l’air curieux dit comme ça, mais c’est ça.

De voir les doigts frapper les cordes pourrait suffire. Mais lorsque Garcia-Fons sort l’archet, il passe au stade supérieur. À chaque note, les doigts tombent au bon endroit et repartent avant d’arriver.

Ce n’est pas de le voir tapoter la caisse de sa contrebasse comme une boîte de carton, ou de le voir glisser les doigts sur le manche. C’est que ça marche. Je tapoterais le bord de ma guitare sans que ça marche nécessairement. Lui, oui. C’est la musicalité. La musique, c’est du bruit qui pense, écrit Victor Hugo.

La contrebasse de Garcia-Fons est fabriquée sur le modèle de la guitare flamenco. Tout se passe à l’intérieur. Elle sonne parfois comme un violon, une sirène ou un chat. La contrebasse est un instrument de nuit.

Un ami de Garcia-Fons raconte l’affection avec laquelle il porte sa contrebasse. J’ai deux guitares comme ça. Vous en sortez une de son écrin comme vous soulevez bébé de sa bassinette, en faisant attention de ne pas le réveiller. Il m’arrive souvent d’en garder une dans les bras, sans jouer, c’est chaud. C’est pitou qui dépose la tête sur vos genoux.

Je joue ma vieille 1967 depuis 30 ans. Vient un moment où je connais son manche par coeur, j’ai un bras gauche et deux bras droit. Quand je vois dans la récente bande-annonce du groupe irlandais U2, le guitariste “the edge” détruire sa guitare, je me dis quel imbécile. Il ne faut pas briser celle qu’on aime.

Le génie consiste à voir des choses que le commun des mortels ne voit pas. Renaud Garcia-Fons dit au commun des mortels je vais te jouer ce que j’ai vu. Et vous savez ce qu’il fait pendant qu’il joue? Il regarde ailleurs.



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