30 secondes pour changer le monde est certainement la meilleure émission
portant sur la pub produite au Québec. Pour une fois, nous ne sommes pas dans
les clichés de la pub gentille souriante et mièvre, dans les stéréotypes de
publicitaires drogués flyés heureux. Ceux-ci sont inquiets.
Vraiment bien réalisée par
Sophie Lambert, l’émission est produite par infopressetélé
et diffusée sur les ondes de Télé-Québec. En 12 épisodes, on s’inquiète du
sida, de la sécurité routière, de la violence conjugale, de l’environnement, du
cancer du sein, de la drogue, du suicide, du poids, de l’alcool, du tabac, du jeu
et de la pauvreté.
Cette émission ne parle pas
de pub commerciale, mais de pub sociale. D’où l’engouement des publicitaires
qui y participent. Ils ne causent pas de tôle à vendre, mais de morts dans des
voitures, dont ces mêmes publicitaires vous ont pourtant déjà vanté les
mérites.
Ce n’est pas de l’hypocrisie
de leur part, mais une forme d’humanisme dans le temps. Le concepteur publicitaire
est un artiste inachevé. Il prête son talent à une oeuvre qui sera signée par
son annonceur. Sur le trottoir, personne ne se tourne sur son passage, alors
que Serge Fiori, du groupe Harmonium, oui. Serge Fiori signe ses oeuvres.
Le concepteur publicitaire fonctionne
sur commande. Il passe le plus clair de sa vie à vendre du dentifrice, des
burgers, des chars et des bannières. On lui demande une pub de char, il en
pondra durant des années. Ensuite, on lui demande une campagne sur la sécurité
routière, il vous la pondra. Le concepteur publicitaire est la seule poule
capable de pondre deux types d’oeufs, celui du poussin qui roule vite vite et celui
de sa mère poule qui lui dit la vitesse tue.
Dans l’épisode portant sur
l’environnement, Martin Ouellette. Le super à l’écran le dit publicitaire. C’est
réducteur. Martin est certainement le plus génial de mes frères. Narcissique à
souhait, le plus original communicateur de ma génération. Son discours est
toujours à cheval sur le présent et le futur. Quand il cherche, Martin creuse
la terre avec ses mains.
Regardez Martin, il a l’air
torturé. C’est parce qu’il l’est. C’est ça, un communicateur. Il n’a pas les
dents plus blanches que les vôtres, il ne roule pas dans carosse plus neuf que
le vôtre. Son regard est meublé de châteaux, d’enfances, de motos et de
seringues. Je me demande si Martin a le budget pour se brosser les cheveux. La
couette rebelle est l’attrait de cette émission.
30 secondes pour changer le monde est un peu pute. L’émission fait découvrir
le volet le plus agréable de la vie du publicitaire, la pub sociétale, celle
qui vise à vendre non pas des salières ou des moteurs, mais une cause et un
comportement. C’est la pub engageante, aussi bien pour celui qui la fait que
celui qui la reçoit. Cette communication vise non pas la consommation, mais
l’action.
La communication sociale est
une course à relais. Le communicateur initie un projet qui sera prolongé par le
citoyen. Un peu comme la publication d’un livre. Une fois publié, le livre
n’appartient plus à son auteur, le public en fait ce qu’il veut. Dans la
campagne 21avril.org, où 300 000 personnes se sont rassemblées dans les rues de
Montréal, les citoyens ont pris le relais de Martin et du metteur en scène
Dominic Champagne, la bougie d’allumage. La réponse des citoyens a dépassé les
espérances des communicateurs. Pas de problème. Dans les mots de Martin, le communicateur gagne s’il perd le contrôle.
Ce réflexe est à l’inverse de la pub commerciale, où l’annonceur cherche
justement à garder le contrôle.
La pub sociétale sur
l’environnement réussira-t-elle à freiner la pub des bagnoles? Faudra demander
aux communicateurs, ce sont les mêmes.
La pub commerciale est une
greffe qui ne prend pas. On a beau chercher bien des trucs pour accoler une
image à un produit, la pub demeure une intruse dans nos vies. J’en veux pour
preuves les tentatives de l’industrie pour trouver sans cesse de nouveaux
moyens de nous rejoindre, couplées à nos différentes stratégies de zapping.
Il y a une raison pour laquelle
la pub sociale est gratifiante à son auteur. En
tant que communicateur, je me sens utile quand je travaille pour une cause. Je
la signe. Peu importe qu’on ne se tourne pas sur mon passage. Le plaisir ne
vient pas du mot publicité, mais du mot communiquer.
Merci pour ses gentils, très gentils mots Luc. Pour ce qui est de la brosse, c'est qu'il ventait beaucoup... Pour ce qui est de la réalisation de Sophie Lambert, oui elle est brillante.
RépondreSupprimerSalut Martin,
Supprimertu es un des seuls à exprimer une idée intelligente et originale de notre métier et un peu plus. Alors, faut dire les choses quand elles passent. Amitiés.