J’aime Kent Nagano. Kent Nagano, l’homme.
Je ne connais pas assez la musique pour commenter le maestro.
Un homme qui cause intelligent, avec une voix douce, attire.
J’ai assisté à un concert de Noël de l’OSM, à la basilique Notre-Dame, le 5 décembre.
Je me suis assis au fond de l’église, dans le jubé, à droite, à la hauteur du choeur.
Je suis au-dessus de l’orchestre. Je vois tous les gestes des musiciens, les mimiques de Kent Nagano.
Un gamin dans un gamasin de bonbons.
Au parterre, les places les plus prisées, on ne voit rien de tout cela.
Du jubé, les places les moins prisées, à la hauteur du choeur, on voit tout.
Nous sommes seuls dans la section. À deux, avec nos manteaux, nous occupons six places. Le grand luxe.
Kent Nagano est tout mince.
Il mange de la salade, dit le conteur Fred Pellerin.
Avant le concert, il cause avec un trompettiste puis, un violoncelliste.
Selon ma lecture, un échange du genre et les enfants, ça va?
Il lèverait les yeux, il me verrait le regarder.
J’aurais été assis au parterre, j’aurais raté tout cela.
Entre l’orchestre et le parterre, une distance protocolaire sépare Dieu de l’élite.
Le jubé du choeur se trouve au-dessus de l’intimité de l’orchestre.
En 2018, Kent Nagano est allé jouer avec l’OSM, dans le Grand nord.
Une rencontre entre migrants et immigrants.
C’était le voyage d’une vie, dit le violon solo Andrew Wan.
Le migrant arrive toujours à pied et sans valise.
Lorsque les migrants ont quitté l’Afrique, ils se seraient déplacés d’un kilomètre par année. 40 000 ans pour faire le tour de la Terre.
Les Inuit sont arrivés de Sibérie. Ils ont traversé à pied le Détroit de Béring glacé. Sur une carte du Canada, c’est en haut, à gauche.
Il y a 1000 ans, ils se sont déplacés vers l’est. En haut, au milieu de la glace. Le Nord du Québec.
Mille ans plus tard, Kent Nagano et les musiciens de l’OSM sont arrivés du sud.
L’immigrant arrive toujours à bord de quelque chose. Une auto, un camion, un bateau, un avion.
Kent Nagano apportait dans sa valise sa baguette du chef et au moins trois cultures. Des origines japonaises, une vie aux États-Unis et autour du monde, et une vie au Québec.
Kuujjuaq, Salliut et Kuujjuarapik. L’itinéraire de l’OSM, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.
Les Inuit l’ont reconnu. Les traits. Un passé en commun.
Comme deux gouttes de glace.
Les traits trahissent les origines. Celles que l’immigrant aimerait parfois masquer.
Notre premier réflexe est de lui dire de prendre son trou, de s’assimiler, de devenir comme nous. Se confondre dans le paysage.
Du haut de notre culture unique.
J’ai oublié mon immigration, il y a plus de 300 ans.
L’immigrant apporte toujours quelque chose dans ses bagages.
Un morceau de notre histoire.
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