lundi 17 février 2025

Monsieur Champagne

 

Jean-Paul Champagne est un enseignant et homme politique québécois, écrit Wiki.

C’est en plein lui.


Jean-Paul Champagne a été mon professeur de français, en secondaire 3, à l’école Saint-Germain, à St-Laurent. Plus tard, il est devenu homme politique au PQ.


Monsieur Champagne portait la barbe comme un collier. On m’a dit plus tard que c’était une barbe des Patriotes. Je n’en sais rien. Il la porte sur sa photo officielle.


Il était aussi agréable dans ses cours que sur sa photo. Un jour, il nous a demandé d’écrire un poème. Le mien faisait la métaphore des tendons de la main comme des cordes de guitare. Il m’avait demandé de le lire devant la classe.


Je pensais monsieur Champagne mort. Eh bien non, il vit encore. 93 ans.


Je pense à lui, ces temps-ci.


En 1970, j’ai 15 ans. Dans un cours, monsieur Champagne raconte qu’un balancier se déplace dans nos sociétés. Il oscille de la gauche vers la droite, dans un mouvement d’une cinquantaine d’années.


Pour qu’une phrase change votre vie, il suffit de l’écouter quand elle passe.


Nous y voilà. 50 ans plus tard, à droite toute. Certains n’annoncent rien de moins que la fin de l’Occident.


Ça ne change pas grand chose.


L’Occident, c’est là où le soleil se couche.


L’Orient, là où il se lève.


Y a-t-il un endroit dans le monde où le soleil ne se lève pas et ne se couche pas?


L’Occident est une perception.


Ce qui va changer, c’est dans nos têtes. L’Occident va de moins en moins dicter ses quatre vérités à toute la planète.


Il a péché par excès de prétention. Nous allons vous montrer les bienfaits de notre civilisation. Dans la foulée, l’Occident s’est enrichi par l’esclavage.


Si ça se trouve, bien des chênes coupés dans nos forêts meublent le luxe de manoirs anglais. Si ça se trouve encore, l’Occident ne remarque même pas la beauté du grain du chêne du cadre de porte qu’il est en train de franchir.


En fait, c’est la planète qui va cesser de se faire dicter ses quatre vérités par l’Occident. Au lieu d’apprendre l’anglais, elle devra peut-être passer au mandarin.


Là où le soleil se lève.


Les grands bouleversements démarrent toujours par un changement de lecture. Comme une dictée qu’on n’écoute plus.


Voyons le retour du balancier.


Les professeurs enseignent de l'immatériel.


La bonne nouvelle, c’est que monsieur Champagne est toujours vivant.





mardi 11 février 2025

Pilotes de brousse

 

J’écoute Pilotes de brousse, à Télé-Québec. Une réalisation de Thierry Sirois.


Je n’en rate pas un.


Simon Contant est propriétaire de l’agence de voyages Air Tunilik. Ses avions et leurs pilotes donnent accès au territoire aux membres des Premières Nations, et aux pêcheurs.


Les avions remplacent les raquettes. Les corridors aériens, les sentiers.


La série est magnifique. Les avions, les gens, le territoire, la réalisation.


J’aurais aimé la vie de pilote de brousse.


Le pilote de brousse apporte le plus beau cadeau, la communication.


Lui, les gens et le territoire.


Communiquer dans le silence. Il faut une vie pour équilibrer ces trois éléments.


Piloter un avion de ligne, d’un aéroport à un autre, dans un univers hyper cadré, avec des pistes toutes semblables, doit ressembler à l’ennui.


La brousse compte trois pistes, la terre, l’eau, la glace.


J’ai été pilote de brousse vers 7 ou 8 ans. Avec Jean Mermoz, St-Exupéry, Guillaumet, de l’Aéropostale. Les premiers héros de mon enfance.


Ils m’ont fait voyager dans leur brousse de sable, de montagnes et de neige. De Toulouse à Dakar, en Afrique de l’ouest puis, à Buenos Aires, en Argentine.


Je volais dans le ciel bleu au-dessus du Sahara. Les pilotes et les mécanos craignaient la panne de moteur, l’atterrissage forcé dans le désert et les Touareg. Je les trouvais sharp. Aujourd’hui, on dit cool.


L’Aéropostale m’a fait sortir de la grisaille de l’école primaire.


Air Tunilik me fait sortir de la grisaille du temps qui passe.


De jeunes hommes pilotes pilotent en toute liberté, au-dessus d’un territoire au-delà du réel. Ils rassemblent des gens sur des milliers de kilomètres et il manque quelque chose.


Être avec les miens, ma famille. Dans une maison. Un travail régulier, bien payé. Des enfants jouent sur un bout de terrain.


Ça se peut.


Le pilote de brousse fait tout à la main. Un artisan.


Le pilote de ligne fait tout du bout des doigts. Un fonctionnaire.


Vers d’autres rives est mon livre préféré de Dany Laferrière. Pour le titre, le texte et les dessins de l’auteur.


Vers d’autres rives, c’est le mandat de l’écrivain, du poète et du peintre.


Des pilotes de brousse.





jeudi 30 janvier 2025

Nouveaux repères

 

Par les temps qui courent, beaucoup d’amis disent avoir perdu leurs repères.


Lors du lancement de son film Testament, le cinéaste Denys Arcand a allumé ma mèche. J’ai perdu mes repères, a-t-il dit.


Le film raconte l’histoire d’un homme qui a perdu ses vous savez quoi.


En passant, ce sont tous des gars.


Je suggère que nous sommes en train de les trouver.


Perdre des repères dure une fraction de seconde. Se ressaisir est un peu plus long.


Toute notre vie, nous avons grandi dans une mentalité occidentale qui imposait ses repères au reste du monde.


Aujourd’hui, ces repères éclatent comme un plancher de verre. Nous sommes aspirés dans le vide.


Maintenant, il faut recoller les morceaux. Nous les trouverons un à un pour donner une nouvelle cohérence à tout ça.


Les morceaux se trouvent partout autour de nous. Il faut de la concentration, à cause du brouillard.


Deux jours après la prestation de serment de l’agent orange, l’évêque Mariann Budde, du diocèse épiscopal de Washington, lui a rappelé l’indulgence pour les minorités ciblées. Les yeux de l’autre roulaient dans le beurre.


Voilà un morceau.


À la radio, un commentateur suggère que beaucoup d’Américains réagiront mal, lorsque l’immigrant expulsé sera leur voisin bien-aimé. Et de deux.


J’ai coupé tout lien avec Facebook, à cause de l’odeur. Et de trois.


J’évite les textes sur l’agent orange ou le demeuré au salut nazi. Vive la lecture rapide. On avance.


Créer des repères est un acte de résistance.


Dans les prochains mois, écrit la journaliste Laura-Julie Perreault, dans La Presse du 25 janvier, ceux qui ont porté Donald Trump au pouvoir deviendront les principaux opposants aux mesures draconiennes en immigration que le nouveau président vient tout juste d’adopter.


Une autre bonne nouvelle.


Dans le même journal, le même matin. Le milliardaire américain Michael Bloomberg s’est engagé à compenser, à la place du gouvernement fédéral, toute contribution américaine impayée à l’ONU climat, écrit l’Agence France-Presse.


Trouver, c’est mieux que chercher.


Tous ces morceaux forment déjà la base d’un nouveau jour va se lever.


Nous ne sommes pas à Berlin, en 1945. Les bombes explosent dans nos têtes seulement. Les infrastructures demeurent.


C’est la conquête des esprits. C’était le titre d'un livre d’Yves Eudes, à propos du système d’exportation culturelle américaine vers les pays pauvres.


Ce type de guerre est connu. Comme une tactique des cerveaux brûlés.


Patience. Tout passe.


Demain, ça fera un jour de moins.






vendredi 17 janvier 2025

Matimekush

 

Des enseignants africains enseignent à Matimekush.


Matimekush est situé en territoire autochtone. C’est au nord de Schefferville, hors du Québec des Blancs.


Les Blancs, descendants des Français, aiment bien dire que cette région fait partie de leur Québec. En fait, la vaste majorité ne rêve jamais de passer une fin de semaine là-bas. Elle n’a aucune idée à quoi Matimekush ressemble et comment ça pense.


J’ai appris son existence dans le documentaire Matimekush de Guillaume Sylvestre, diffusé à Télé-Québec, il y a 5 jours.


Les enseignants sont des descendants de communautés multi millénaires d’Afrique du Nord, de l’Ouest et du Maghreb.


Les résidants de Matimekush sont des descendants multi millénaires de la communauté Innu.


La mayonnaise a multi pogné. Beaucoup à cause de leurs passés.


Un passé multi millénaire sur un territoire, et un de colonisé, sur le même territoire. Un même colonisateur et la même langue, le français.


Ce sont tous des diplômés.


Conrad André enseigne la culture Innue. Il est diplômé de la tradition orale multi millénaire.


Conrad s’exprime dans les cultures Innu et québécoise française.


Judeleine, Kalhid, Yendouban, Mohamed, s’expriment chacun chacune dans deux, trois, quatre cultures. Haïtienne, marocaine, sénégalaise, québécoise, française et peut-être d’autres. Ils causent justice, communauté, transmission, valeurs, amour, famille.


Assis dans mon salon, je les découvre avec ma culture unique. Sur ce point, je suis au même niveau que François Legault, premier ministre du Québec.


Ces enseignants sont tous plus riches que nous de quelques cultures. Et une histoire commune avec le peuple Innu. Les chanceux.


Du haut de sa culture unique, François Legault demande à ces immigrants de s’intégrer à notre culture et de ne pas prier dans la rue.


C’est fort de café turc. Si le Québec est un pays en mouvement, c’est grâce aux immigrants et à leurs bagages de cultures.


Un enseignant prie dans le bois. Il est entouré d’épinettes, le corps tourné vers la Mecque. L’humilité dans la beauté.


François Legault n’aime pas les Premières Nations. Son entendement est dépassé en leur présence. Il ne comprend pas que nous nous sommes intégrés à leur culture.


En 1680, dit Serge Bouchard, l’anthropologue dont je m’ennuie, 85 % des Français qui débarquaient ici prenaient le bois.


Ils ont appris la langue, marié les femmes et marché l’Amérique. Vous n’entendrez pas François Legault se vanter que les premiers découvreurs du continent étaient Français, guidés par les autochtones.


L’entendement est une curieuse chose. Intelligible, immatérielle.


Les Innus ne demandent pas aux Africains de ne pas prier dans la rue.


Pour la Mecque, suivez le vent par les épinettes.