René-Homier Roy débutait son émission de radio comme on entre dans l’écoute de la phrase d’un autre. C’est bien meilleur le matin, 5 h 30, à la radio de Radio-Canada.
Pas de bonjour, pas de salutation. Une phrase du genre hier, il m’est arrivé une chose assez curieuse. Comme si je m’assoyais au comptoir du resto, café en main, et que la conversation du voisin devenait un peu la mienne.
Et là, l’émission démarrait. Elle a été bien meilleure le matin pendant quinze années.
Elle prenait fin avec un rendez-vous le lendemain, aux aurores.
Au début des années 2000, mon ami réalisateur Jérôme Labrecque et moi recevons le mandat de préparer une promotion télé de trente secondes pour l’émission.
Je suis réalisateur à l’autopromo, la promotion d’émissions de Radio-Canada et RDI. Jérôme est réalisateur tout court. Il réalisera la chose.
Le tournage a lieu de nuit, dans le stationnement extérieur de la tour de Radio-Canada. Le cinéaste Jean-Claude Labrecque, père de Jérôme, assiste au tournage. Il veut connaître mieux la technologie numérique.
Louise Carrière, réalisatrice de l’émission, « La dame de fer », selon René Homier-Roy, est là.
Lors d’un tournage, le ton des conversations est généralement feutré. Le tournage impose le silence. La nuit noire et la fraîcheur dans le dos ajoutent à l’intimité.
Lorsque le cinéaste Jean-Claude Labrecque cause cinéma avec le cinéphile René Homier-Roy, j’écoute.
Lorsque l’animateur René Homier-Roy cause radio avec la réalisatrice Louise Carrière, j’écoute.
Le nom Pierre revient dans la conversation. Je comprends que le conjoint de René Homier-Roy ne s’appelle pas Geneviève, mais Pierre. Je l’apprends comme une confidence, sur le ton de « passe-moi le beurre ».
Je suis dans la conversation du voisin de table.
Mon affection professionnelle devient personnelle. À cause du ton et de la simplicité. Ben oui, il n’y a rien là.
René Homier-Roy dira plus tard, dans une entrevue, qu’il n’a jamais eu à sortir du placard, puisqu’il n’y a jamais été.
J’ai mieux compris le portrait général après le départ de René Homier-Roy de l’émission. Il a parlé du décès de son conjoint, comme toute personne aurait parlé du sien. Pas de fla fla, pas de garde-robe. Que de la peine. La peine d’amour n’a pas de sexe.
Il est difficile de décrire la normalité, le sentiment de paix, le ton simple.
On pourrait dire qu’il n’y a rien, alors que tout est là.
J’ai pensé plus tard lui écrire pour rappeler l’anecdote.
Je ne l’ai pas fait.
Il n’y avait rien à dire.