lundi 22 novembre 2021

30 secondes pour changer le monde, 15 octobre 2013

 

30 secondes pour changer le monde est certainement la meilleure émission portant sur la pub produite au Québec. Pour une fois, nous ne sommes pas dans les clichés de la pub gentille souriante et mièvre, dans les stéréotypes de publicitaires drogués flyés heureux. Ceux-ci sont inquiets.


Vraiment bien réalisée par Sophie Lambert, l’émission est produite par infopressetélé et diffusée sur les ondes de Télé-Québec. En 12 épisodes, on s’inquiète du sida, de la sécurité routière, de la violence conjugale, de l’environnement, du cancer du sein, de la drogue, du suicide, du poids, de l’alcool, du tabac, du jeu et de la pauvreté.


Cette émission ne parle pas de pub commerciale, mais de pub sociale. D’où l’engouement des publicitaires qui y participent. Ils ne causent pas de tôle à vendre, mais de morts dans des voitures, dont ces mêmes publicitaires vous ont pourtant déjà vanté les mérites.


Ce n’est pas de l’hypocrisie de leur part, mais une forme d’humanisme dans le temps. Le concepteur publicitaire est un artiste inachevé. Il prête son talent à une oeuvre qui sera signée par son annonceur. Sur le trottoir, personne ne se tourne sur son passage, alors que Serge Fiori, du groupe Harmonium, oui. Serge Fiori signe ses oeuvres.


Le concepteur publicitaire fonctionne sur commande. Il passe le plus clair de sa vie à vendre du dentifrice, des burgers, des chars et des bannières. On lui demande une pub de char, il en pondra durant des années. Ensuite, on lui demande une campagne sur la sécurité routière, il vous la pondra. Le concepteur publicitaire est la seule poule capable de pondre deux types d’oeufs, celui du poussin qui roule vite vite et celui de sa mère poule qui lui dit la vitesse tue.


Dans l’épisode portant sur l’environnement, Martin Ouellette. Le super à l’écran le dit publicitaire. C’est réducteur. Martin est certainement le plus génial de mes frères. Narcissique à souhait, le plus original communicateur de ma génération. Son discours est toujours à cheval sur le présent et le futur. Quand il cherche, Martin creuse la terre avec ses mains.


Regardez Martin, il a l’air torturé. C’est parce qu’il l’est. C’est ça, un communicateur. Il n’a pas les dents plus blanches que les vôtres, il ne roule pas dans carrosse plus neuf que le vôtre. Son regard est meublé de châteaux, d’enfances, de motos et de seringues. Je me demande si Martin a le budget pour se brosser les cheveux. La couette rebelle est l’attrait de cette émission.


30 secondes pour changer le monde est un peu pute. L’émission fait découvrir le volet le plus agréable de la vie du publicitaire, la pub sociétale, celle qui vise à vendre non pas des salières ou des moteurs, mais une cause et un comportement. C’est la pub engageante, aussi bien pour celui qui la fait que celui qui la reçoit. Cette communication vise non pas la consommation, mais l’action.


La communication sociale est une course à relais. Le communicateur initie un projet qui sera prolongé par le citoyen. Un peu comme la publication d’un livre. Une fois publié, le livre n’appartient plus à son auteur, le public en fait ce qu’il veut. Dans la campagne 21avril.org, où 300 000 personnes se sont rassemblées dans les rues de Montréal, les citoyens ont pris le relais de Martin et du metteur en scène Dominic Champagne, la bougie d’allumage. La réponse des citoyens a dépassé les espérances des communicateurs. Pas de problème. Dans les mots de Martin, le communicateur gagne s’il perd le contrôle. Ce réflexe est à l’inverse de la pub commerciale, où l’annonceur cherche justement à garder le contrôle.


La pub sociétale sur l’environnement réussira-t-elle à freiner la pub des bagnoles? Faudra demander aux communicateurs, ce sont les mêmes.


La pub commerciale est une greffe qui ne prend pas. On a beau chercher bien des trucs pour accoler une image à un produit, la pub demeure une intruse dans nos vies. J’en veux pour preuves les tentatives de l’industrie pour trouver sans cesse de nouveaux moyens de nous rejoindre, couplées à nos différentes stratégies de zapping.


Il y a une raison pour laquelle la pub sociale est gratifiante à son auteur. En tant que communicateur, je me sens utile quand je travaille pour une cause. Je la signe. Peu importe qu’on ne se tourne pas sur mon passage. Le plaisir ne vient pas du mot publicité, mais du mot communiquer.




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