vendredi 12 avril 2019

Dialogue Nord-Sud


La nouvelle de quinze secondes max est la plus courte du téléjournal de 21h, sur RDI.

Une petite fille hondurienne fond en larmes pendant que sa mère est fouillée par un agent en pleine crise, à la frontière américaine, dit la journaliste Céline Galipeau.

L’image a reçu le prestigieux prix de la photo de l’année du World Press Photo.

Tout un honneur pour le photographe John Moore, de Getty Images. Fin de la citation.

La fillette, le véhicule à côté duquel elle pleure, la mère fouillée et l’agent fouilleur sont anonymes.

Le prix est prestigieux.
La photo est de l’année.
L’honneur est tout un.

Le photographe s’appelle John Moore.
Le prix, World Press Photo.
Le patron du photographe, Getty Images.

La misère est toujours devant la caméra.
La vedette de la photo est toujours derrière la caméra.

Le nom du photographe est inscrit au générique.
Il est payé pour faire sa photo.
La victime, réfugiée, est toujours pauvre et du Sud.

Pas Sud comme dans plage, Sud comme dans pauvreté.

Elle est belle la photo.
Bien cadrée.
Couleurs contrastées.
La détresse en évidence.

Elle est là pour enrichir John Moore, Getty Images, ses commanditaires et notre culture.

L’exposition World Press Photo prétend vouloir attirer l’attention du public sur les problèmes du monde, to connect the world to the stories that matter.

Céline Galipeau et John Moore sont collègues par la bande.
Ils vivent de la misère des autres.

La petite fille et sa mère n’ont pas fait de concours sur leur photographe préféré.

La petite fille est devenue actrice d’une photo.
Elle est dépossédée de sa mère et de sa propre image.
Elle est devenue la faire-valoir de sa misère.

Daniel Boorstin appelle cela un pseudo-événement.
Une forme de vol.

Les vedettes du World Press Photo sont derrière la caméra.

Il n’y a pas de générique pour les pauvres.



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