Quand je
suis petit, j’ai huit ans. Pour les souvenirs de mes six, sept, huit ou neuf
ans, j’écris huit ans. C’est plus simple.
Huit ans,
c’est l’année où une vitre est tombée sur mon bras droit et a coupé trois
tendons. C’était le 4 juillet. Pour un gaucher, le bras droit, c’est un moindre
mal. Huit ans, c’est l’année où le président Kennedy est allé à Dallas et moi,
à La Conception.
Au chalet, ma
sœur Michelle écoute du Johnny Halliday et le groupe Les Cailloux, qui ne
m’excitent pas du tout. Heureusement, une nouvelle génération débarque de
Liverpool. Les boites à chansons vont baisser le volume.
Quand je
suis un peu plus vieux, j’ai douze ans. C’est l’année de ma première guitare, physio
pour main droite.
À douze ans,
j’entends Janis Joplin à la radio. Je n’achète pas de vinyles, j’écoute ceux de
Jimi Hendrix via mon frère Gilles. La tête d’un garçon de douze ans est remplie
d’imaginaires. Quand on y fait entrer Hendrix, le bar est ouvert. Mais on ne peut
pas éviter la voix de Janis. Lorsqu’elle chante quelque part, on l’entend
partout. Cette semaine, je n’ai pas évité Little
Girl Blue, un documentaire sur elle à PBS.
Janis est
morte j’avais quinze ans.
Quand elle
était à l’université, les étudiants faisaient chaque année un concours pour élire
le gars le plus laid de l’université. Un smatte a proposé Janis Joplin. Elle a
gagné et elle a pleuré. Sa voix, c’était ça.
Après les
concerts, ses musiciens rentraient à l’hôtel avec des filles, elle dormait
seule.
Janis est
morte seule. Quand un ami est entré dans la chambre, il a senti qu’il n’y avait
personne. Elle était étendue sur le tapis. Sa voix, c’était aussi ça.
Après le
document de deux heures, mon drame de Janis s’aligne sur ces trois éléments.
Dans Jimi Hendrix Documentary, le guitariste
britannique Eric Clapton explique le génie. Lorsque le génie entre en lui
chercher son inspiration, il est seul, personne ne peut l’accompagner.
En compagnie
d’Hendrix, Clapton sentait une barrière. Personne ne joue comme Hendrix,
personne ne place les doigts sur le manche comme lui. Personne ne donne le ton
à ses cordes comme lui. Le génie est un no
man’s land. Tu es nulle part et tout est là.
Hendrix a
repris Sunshine of your love, de
Cream. Il a joué sur scène Sgt Peppers
lonely hearts club band, quatre jours après le lancement de l’album des
Beatles, devant Paul McCartney et George Harrison.
Mais le
génie se trouve dans All along the
watchtower, sur l’album Electric Ladyland. À côté de la version d’Hendrix,
l’originale de Bob Dylan a l’air d’un somnifère. Le génie réveille.
J’imagine
Janis, accompagnée de Jimmy Page, John Paul Jones et John Bonham, de Led
Zeppelin. Le chanteur Robert Plant peut rester chez lui.
Clapton dit
qu’il ne peut rejoindre Hendrix. Janis chante à la télé. Elle est toujours
devant.
Le génie réveille en effet. Lorsque Dylan a entendu la version de Jimi, il n'a plus voulu la jouer comme il l'avait composé. Dylan a instantanément adopté les arrangements de génie d'Hendrix.
RépondreSupprimerEt lorsque que tu imagines Janis avec les gars de Zeppelin, regarde à ta droite, je suis assis à tes côtés.
Thomas