vendredi 19 juillet 2013

17 Décarie


Hier, j’ai pris la 17 Décarie. J’allais rencontrer mon ami Pierre Drouin pour un burger, frite et une bière, dans un pub anglais. Dans un beau petit film pour Bombardier qu’il a conçu et réalisé, Pierre fait planer un avion en papier dans les bureaux de l’avionneur. Ce matin, je flotte dans le temps.

À 12 ans, j’ai fait mon premier vrai voyage en 17 Décarie. De Ville St-Laurent, en direction du Collège Notre-Dame, nous descendions à Queen Mary. La 51, la 62 ou la 65 nous emmenait au collège.

Je sortais de mon patelin, de notre maison, celle de mon cousin, celles de mes amis, l’épicerie Piché, la rue des anglos, l’école primaire Jean-Grou. Jusque-là, j’étais sorti en auto pour aller au chalet. Mes parents à l’avant, cinq enfants à l’arrière. Tout le monde chantait sauf moi, trop gêné. Cette fois, je partais en autobus avec mon cousin Louis. Nous étions libres.

L’autobus incarne bien le verbe attendre. À l'arrêt, on attend l'autobus ; dans l'autobus, on attend l'arrêt. Comme tous les arrêts sont semblables, chacun reconnait le sien au décor.

La première fois que j’ai vu une femme noire, c’était dans la 17 Décarie. Je ne me souviens pas bien d’elle, mais de l’émotion. Quand elles sont élégantes, les femmes noires deviennent remarquables. Au Niger, en Côte d’Ivoire, au Mali, au Sénégal, pays dits pauvres, les femmes portent des vêtements traditionnels en bazin. Le Mali est réputé pour la qualité de son bazin et pour ses coloristes. Grandes ou petites, grosses ou minces, les africaines sont fabuleuses quand elles déambulent dans ces robes traditionnelles. Quand mes filles me demandent mon avis sur ce qu’elles portent, je réponds invariablement c’est ma fille qui est belle. C’est ma fille qui fait le vêtement, pas l’inverse. Aussi beau que la couleur des bazins du Mali, il y a la peau noire. La plus belle femme du monde est noire et elle porte du bazin.

Le moteur diesel de la 17 claque de la même façon que celui de la 16 Graham, ou de celui du Caire, de Londres ou de Lima. Le même ronron, une chaise berçante.

L’Égypte est un pays de souvenirs d’autobus. Les accidents automobiles sont particulièrement spectaculaires. De Charm El Cheikh, la station balnéaire avec bikinis, McDo et pas de mosquée, nous rentrons au Caire. Notre autobus monte une côte. Devant, un autre autobus dépasse un poids lourd. Notre chauffeur décide de dépasser aussi. Nous sommes donc trois véhicules lourds à monter la même côte, côte-à-côte. À droite, le poids lourd. Au centre, l’autre autobus. Sur la voie d’évitement, à gauche, nous. Si quelqu’un arrive en sens inverse, il n’a d’autre choix que de sauter dans le désert. Durant ce temps, je n’entends pas le bruit du moteur. Je devrais, pourtant, les moteurs d’Égypte ont l’habitude de râler. Il me semble plutôt entendre le bruit de freins, de hurlements et des véhicules venant dans l’autre sens. Pour l’instant, la côte est aussi pénible que l’attente.

La 17 Décarie arrête, angle Girouard et Monkland. Le voyage a duré 20 minutes.



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