Des votes ethniques.
Ce bout de phrase a été prononcé comme un reproche, par l’ancien premier ministre Jacques Parizeau, au soir du référendum sur l’avenir du Québec, le 30 octobre 1995.
Depuis, l’expression divise les ethnies.
Il n’y a pas de raison.
Existe-t-il des votes non-ethniques?
Ethnie : 1896. Du grec ancien, ethnos, « peuple, nation », écrit Usito . Groupe d'êtres humains qui possèdent, en plus ou moins grande part, un héritage socioculturel commun, en particulier la langue.
Le mot a été utilisé la première fois en 1896. Pour répertorier. Ou diviser.
« Ethnie » est un mot du même type que « frontière » ou « drapeau ». Un territoire exclusif. Un système fermé.
En 1884-85, les européens et les étatsuniens décident de découper l’Afrique en colonies. Jusque-là les frontières africaines étaient tantôt ethniques, tantôt géographiques. Elles étaient propices aux échanges. Un système ouvert.
Ces dits occidentaux n’avaient jamais mis les pieds en Afrique auparavant.
Mon ancêtre est arrivé ici vers 1680. La seule différence entre l’immigrant récent et moi, c’est 345 ans.
L’énoncé « des votes ethniques » constitue une erreur de méthodologie.
Sapiens a cette capacité de s’exclure des analyses dont il fait partie. À l'écouter, il ne fait pas partie du règne animal. La nature n’est pas sa mère.
Voilà un raisonnement de Sapiens occidental. Pas de Sapiens des Premières nations.
Sapiens des Premières nations est arrivé sur le continent, il y a environ 35 000 ans. Lui et Terre Mère font partie d’un même tout. L’autochtone remercie le caribou d’avoir sacrifié sa vie au profit de la communauté.
Jeune anthropologue, Serge Bouchard a appris par coeur le nom de plus de cinq cents nations autochtones d’Amérique du Nord. « C’était ma maladie mentale », dit-il dans un documentaire.
On en compte onze aujourd’hui au Québec. Abénakis, Anichinabés, Atikamekw, Eeyou, Wendat, Innus, Inuit, Wolastoqiyik, Mi’gmaq, Kanien’keha:ka, Naskapis.
Cette maladie mentale l’a servi, quand est venu le temps de nommer les disparus des guerres, massacres et exterminations qui parsèment l’histoire des États-Unis.
Je relis Serge Bouchard sans me lasser. Je repasse les mêmes passages comme autant de sentiers. Les détails s’incrustent dans ma mémoire comme préludes à l’histoire d’avant mon arrivée.
Le peuple rieur, hommage à mes amis Innus, écrit en collaboration avec sa conjointe Marie-Christine Lévesque. Je ne me lasse pas de ses trajets en volkswagen Beetle pour transporter des ainées. De ses récits de gens, de nature, de loups et de nations. Merci, maladie mentale.
Je viens de lire les chroniques Le parti du loup et Ouigoudi sur la rivière clinquante, publiées dans Les yeux tristes de mon camion. Un hommage à quelques-une des cinq cents nations.
Aux pages 206-207, il écrit L’anthropologie nous enseigne que les chiffres anciens étaient magiques, qu’il y avait un tableau des correspondances poétiques entre tous les éléments de la nature, que les arbres avaient charge symbolique, que les animaux et les étoiles se rejoignaient dans des assemblées nocturnes et que chaque geste s’inscrivait dans la démarche sacrée d’une âme en train de suivre une voie.
Nous sommes tous des votes ethniques.
Nous sommes sommes tous des immigrants.
Nous appartenons toutes et tous à la seule et unique race humaine.
L’anthropologie, comme un concert des nations.
Mon exemplaire de Les yeux tristes de mon camion ouvre sur une note inédite.
Pour Luc
Reconnaissance
Merci de lire
Merci d’écouter
Serge Bouchard
Février 2017
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