dimanche 12 août 2018

Le temps



Hier, j’ai passé deux heures, assis sur un banc, au festival Présence autochtone.

Il ne s’est rien passé.

À un bout de la Place des festivals, un groupe de musique répétait.

Ailleurs, un illustrateur illustrait.

Une joaillière bijoutait.

Des enfants jouaient dans les fontaines.

Devant moi, un artiste peignait. Un monsieur rond, à l’air très sympathique, autochtone de la Nouvelle-Écosse.

Il n’a à peu près rien peint durant ces deux heures.

Il jasait avec des gens. Il ajustait son casque d’écoute. Il s’amusait de cette sauterelle qui est partie de sa table pour atterrir sur mon bras.

Communication animale.

Derrière, un resto de rue vendait des sandwiches au bison effiloché. À la grosseur du bison, j’imaginais le sandwich.

Le temps, c’est rien.

Il n’y a rien à faire.

Il n’y a rien ici.

Il n’a rien peint.

Quand il ne se passe rien, l’imagination clenche. Il se passe donc quelque chose.

C’est peut-être ça, Présence autochtone. Toute une journée de rien, et une parade annoncée à 17h, dans deux heures.

Ces gens ont passé quinze mille ans dans les bois, pas de montre.

Nous ne sommes pas habitués. Au Festival de jazz, ça ne dérougit pas.

Ici, ça dérougit.

Le temps, c’est Astérix en Corse, page 35. En trois ans, quatre ouvriers corses ont posé douze dalles en pierre de la voie romaine, reliant Aléria à Mariana.

Quatre ouvriers, douze dalles, trois ans. Une dalle par an par homme.

Une route de 69 kilomètres.

Au lieu de nager avec les poissons, le temps s’assoit au fond de la mer et les regarde passer.

Travailler quatre-vingts heures par semaine, ce n’est pas du temps, on ne le voit pas passer.

Or, ici, je ne fais que ça, regarder passer le temps.

Le temps est un personnage.

Dans un documentaire, la semaine dernière, un autochtone disait ne jamais s’être ennuyé dans le bois.

Il y a toujours quelque chose, toujours quelqu’un.

Il ne peut pas avoir rien, puisque nous sommes là.

Suffit de regarder.

Cela s’appelle apprendre à lire.



1 commentaire:

  1. Hey Luc !

    Deux trucs :

    - dérougir, j'apprends la définition dite québécoise dans Antidote ("Ne pas dérougir : FIGURÉ, QUÉBEC – être sans cesse en activité; fonctionner, travailler sans cesse. Pendant la période estivale, le personnel de l’hôtel ne dérougit pas! Le téléphone n’a pas dérougi depuis ce matin."

    - Et la chute du texte. "Clap clap clap", ouais je me suis fracassé la gueule.

    Merci mon frère.

    Ludewic

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