samedi 2 décembre 2017

Ces gens et ces lieux



En 1961, René Lévesque survole le territoire en direction de Fort Chimo, l’actuel Kuujjuak. Il est ministre des Affaires hydrauliques du Québec. Il voit des arbres, de la roche et des lacs. Il se tourne vers le géographe Louis-Edmond Hamelin et demande où ils sont, car il n’y a rien en bas.

On ne peut jamais dire qu’il n’y a rien en quelque part. Il y a toujours quelque chose, nous sommes là pour le regarder. Aussi, la nature a horreur du vide. Lorsque tu ne vois rien, tu imagines et pouf, voilà quelque chose.

Quelque part, nous nous sommes trompés de pédagogie. La mienne était emplie de par-cœur en français, anglais, maths, histoire, religion et géographie. Il fallait simplement ouvrir une fenêtre et laisser circuler l’air.

En dehors des roches et des épinettes, le Nord est peuplé de millénaires de présence humaine, d’histoires de chasse, de pêche et de caribous.

Ces récits composent une partie immatérielle de l’humanité. Ils sont pourtant les personnages principaux de notre histoire.

Un enfant ne peut résister à une fenêtre ouverte. Elle est faite pour regarder dehors.

On ne peut apprendre une fenêtre par cœur.

Vous avez peut-être déjà vu ce magnifique bronze au centre-ville. Un étudiant ébouriffé, ahuri, garde les yeux vissés sur son Mac, comme s’il cherchait un sens à ses études. Ce bronze, de l’artiste Cédric Loth, est assis rue Sherbrooke, juste en face de l’entrée principale de l’université McGill.

Cédric et moi avons partagé un bureau pendant dix ans dans des agences de pub.

Quand j’entre à Notre-Dame-de-Paris, je cherche Quasimodo. Lorsque je passe près de l’ancien Forum, sur Ste-Catherine, je croise les fantômes du CH. Devant McGill, je salue l’ahuri.

Sorti directement de l’univers de la BD, le bronze de Cédric fait partie des personnages de Montréal. Assis de l’autre côté de la rue, il est une extension de McGill.

On le croirait faire ses travaux. L’écran du Mac affiche le décès de Steve Jobs, génial co-fondateur d’Apple.

Ce bronze appartient aux étudiants, aux montréalais, au génie humain et à l’imaginaire.

Avant son installation, il y avait un bout de trottoir. Donc, rien. Mais il ne peut pas ne rien avoir. D’où l’étudiant. Les livres d’histoire ne font que cela, placer des quelques choses là où il n’y avait rien avant.

La fenêtre est une talle fantastique à enseigner aux enfants.

Je suis en train de lire Objectif Nord, le Québec au-delà du 49e, de Serge Bouchard et Jean Désy. Les auteurs présentent quelques personnages qui peuplent soixante-dix pour cent de notre territoire.

Ces gens et ces lieux que nous ne regardons pas quand nous les voyons.

C’est tout de même curieux, lire sur le Nord pour apprendre le Sud.




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