Je viens de lire Rembrandt,
peintre, graveur et dessinateur, d’Émile Michel. Deux volumes, 502 pages,
dont 164 de textes et 338 de reproductions d’esquisses, d’eaux-fortes et de
toiles. Deux semaines de vacances dans l’atelier hollandais de Rembrandt. Mon
agent de voyage n’offre pas de forfait comme celui-là.
Je cherchais une réponse au génie de la lumière de Rembrandt, ce que
l’auteur appelle le clair-obscur.
Je préfère lumière à clair-obscur. En jouant avec le rhéostat, on
passe de la lumière à l’obscur. De la même manière que le chaud et le froid
forment une ligne.
Yvon Turcotte, premier fabricant de thermopompes au Québec,
m’expliquait que, en thermodynamique, l’air contient plus ou moins de chaleur. La
sensation de froid est une résultante de l’absence de chaleur. Au lieu
d’opposer le froid au chaud, on considère les deux en continu. À moins 15
degrés, l’air ne contient pas assez de chaleur pour que la thermopompe chauffe
la maison.
Ce qui me fascine chez Rembrandt, c’est la lumière, pas l’obscur. La
lumière est l’avant-plan de l’obscur, elle est la vedette. Je n’ai jamais
entendu quelqu’un dire Ah wow, quel bel obscur!
Comment aborder de tels ouvrages? En lisant les textes et en se
laissant trainer sur les images.
Un texte traitant du génie devrait-il lui-même être génial? S’il ne
l’est pas, les toiles conduisent la lecture. C’est le cas ici. On complimente
le monsieur, on n’explique pas son génie. Je n’ai pas trouvé ma réponse. Il
faudra l’inventer.
Le génie existe dans le regard des autres. À force d’offrir une
production aussi surprenante que pertinente, musique, cinéma, littérature,
peinture, à forcer l’admiration et la colère, le regard des autres définit à la
longue le génie.
Le génie est une bulle pour personne seule. Autour de lui, les gens
cherchent, rêvent, idéalisent, fantasment, tombent en bas de leur chaise. Ils apprécient
le génie sans tout comprendre. Mais lui est seul.
Le génie suit les mêmes étapes de création que toute autre personne
de création. Une impression, une idée, une esquisse, une réflexion, une autre
esquisse, on commence, on recommence, on re re, et ainsi de suite. Chaque
esquisse est une lecture du moment, l’aboutissement d’une réflexion et le
départ de la prochaine. On élimine le superflu et à un moment donné, les
éléments tombent en place. La différence, c’est que le génie est toujours une
coche, à la fois au-dessus et plus loin.
Vu autrement, le génie est la pointe de l’iceberg de l’intelligence.
Comme elle est sous l’eau, l’intelligence n’a pas accès à la pointe. Ou encore,
le génie est la carotte de
l'intelligence. La carotte est par définition inaccessible; dès que
l'intelligence s'en approche, le génie s'éloigne d'autant. Et l'intelligence ne
voit qu'une face de la carotte. L’essentiel est invisible pour les yeux (merci Le petit prince).
On ne peint pas une toile comme La
ronde de nuit en un jour. D’autant que la
Ronde de nuit est en réalité une ronde de jour. Si vous observez la toile,
l’éclairage est de jour. Le soleil éclaire des gens d’armes à l’intérieur d’une
bâtisse. Il n’y a que la lumière du soleil pour éclairer vers le bas. Si vous avez
déjà été dans une grange en été, vous connaissez cette lumière. Elle n’éclaire
pas seulement, elle baigne. Rembrandt illustre dans cette toile une prise
d’armes et non une ronde.
Dans tous les intérieurs de maisons de Rembrandt que j’ai vus, la
lumière naturelle entre par une fenêtre à gauche. Les maisons de Rembrandt sont
gauchères. Même constat pour la lumière de Vermeer, les maisons de Delft sont
aussi gauchères.
La lumière de Rembrandt est souvent justifiée par une fenêtre, une
chandelle, mais pas toujours. La conspiration
des Bataves, par exemple.
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