Je
brime ta liberté d’expression.
Je
t’empêche donc de t’exprimer.
Je
ne te reconnais pas la compétence de t’exprimer sur deux sujets. Pour deux
raisons.
Il
faut être descendant d’esclaves pour comprendre les échos de la souffrance des
esclaves.
Il
faut être descendant de génocidés pour comprendre les répercussions de la
souffrance des génocidés.
Ainsi,
l’histoire des hommes et des femmes ne pourrait être interprétée uniquement par
des hommes.
Quand
Claude Meunier a essayé avec La petite vie, le public a trouvé ça drôle.
Stephen
Spielberg n’était pas né au moment du débarquement de Normandie. Son film Saving
Private Ryan ouvre sur ce débarquement. Des vétérans ont dit que c’était
exactement ça.
L’histoire
du Canada doit donc être interprétée par des Blancs et des Autochtones.
Pas
d’Autochtones, pas d’histoire du Canada.
Pas
de Noirs, pas d’histoire de l’esclavage Noir.
Pas
de Juifs, pas d’Arméniens, pas de Rwandais, pas d’Autochtones, pas de
génocides.
Je
t’interdis de t’exprimer sur tes sujets et pourtant, je n’ai aucune idée de ton
propos.
Tout
ce que je sais, c’est qu’il manque de comédiens Noirs dans ton histoire
d’esclavage et que ton histoire du Canada ne compte aucun comédien Autochtone.
J’exprime
donc mon ignorance.
En
interdisant ta liberté d’expression, j’oblige ton public à demeurer ignorant.
L’ignorance
génère l’ignorance.
La
connaissance qu’auraient apportée tes projets se trouve dans l’histoire, la
mise en scène, ta compétence, ton intelligence, ta sensibilité, ton expérience,
l’équipe, votre créativité, tout.
Personne
n’aura accès à cette connaissance.
Pour
comprendre la souffrance, il faut l’écouter.
L’esclavagisme
et le génocide reposent sur la négation de l’autre.
Tu
te sens comment ?