dimanche 12 avril 2015

Francis Aubin


Francis Aubin a 17 ans. Il a écrit et réalisé une centaine de courts films. Un jour, il a su que j’existais, quelque part dans la famille. Il a demandé à me rencontrer. A 12 ans, Francis est auteur réalisateur monteur entrepreneur. La rencontre s’est passée lors d’un brunch de famille chez ma mère. Francis s’est assis de l’autre côté de la table. Il m’a parlé de sa grande passion le cinéma et m’a dit je veux être le prochain Xavier Dolan. Je lui ai répondu tu pourrais être le prochain Francis Aubin.

À ce moment, les films de Francis avaient un look de plus de 12 ans. Une montre perdue est étendue sur le sol. La caméra aurait pu filmer la scène du haut d’un trépied. Elle est plutôt sur le sol, comme pour dire à la montre tu n’es pas seule, je vais montrer à tous ta solitude. Voir le point de vue d’une montre étendue sur le sol est émouvant.

Francis est le petit-fils de ma soeur Michelle. Quand je l’ai rencontré, je ne savais pas vraiment comment nommer notre lien familial. Passer à la deuxième génération, c’est comme ajouter une wagon en arrière de la charette. Francis est mon petit-neveu, je suis son grand-oncle. Grand-oncle. Il me semble entendre grincer les chaises berceuses, la turlute et l’odeur de pipe.

J’avais environ 10 ans quand j’ai rencontré Annette Panneton, la soeur de mon grand-père Joseph-Arthur Panneton, que je n’ai pas connu. Mon père l’appelait ma tante Annette et je l’appelais ma tante Annette, même si elle ne m’avait jamais bordé dans mon lit ni raconté des histoires. Je n’allais quand même pas dire allo ma grande tante ! Elle n’était pas si grande, elle m’attirait par ses silences d’un autre âge.

Cette femme ressemblait aux histoires d’Une saison dans la vie d’Emmanuelle, de Marie-Claire Blais, ou de Trente arpents, de Ringuet. Dans mon esprit, elle devait avoir des moustaches même si elle n’en n’avait pas. Aujourd’hui, la distance entre les générations est plus courte. Me voilà en train de causer pub, cinéma, tournage, histoire et culture avec Francis.

Il n’y a aucune différence entre le montage d’un film et l’écriture d’un texte. Couper une scène ou une phrase, déplacer un plan ou un paragraphe, rogner quelques cadres ou un adjectif, c’est du pareil au même. A force de trimer, les couettes rebelles disparaissent et l’histoire sort de l’eau. Une fois bien gossés, le montage et l’écriture prennent le rythme de la musique. Le plaisir de l’écriture, c’est le montage.

Les plus récents films de Francis se rapprochent de la musique. A la longue, le musicien apprend une économie de gestes qui lui permettent d’améliorer sa performance. Bouger moins pour passer du Sol au Do. Ses plans sont moins linéaires, ses images en provoquent d’autres. Ça torche, dirait sa génération.

Depuis cinq ans, Francis se sentait parfois seul. Il arrivait difficilement à s’entourer de pros. Il était trop grand pour ses amis et trop jeune pour les institutions. Son film était plus avancé que ses moyens. Mais ça va changer. En septembre, il va étudier le cinéma au cegep de Jonquière. Francis Aubin va rejoindre sa gang.







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