Je n’ai pas de iPad. Je n’ai donc
pas accès à La Presse+, la nouvelle
version numérique, dynamique, dithyrambique de La Presse, version papier. On en dit beaucoup de bien. Tellement, il
s’agit d’un nouveau média, rien de moins. Depuis son lancement, La Presse+ a sur moi l’effet du chant
des sirènes. À la différence d’Ulysse, dans L’Odyssée,
je n’ai pas besoin de m’attacher à un mât pour résister. Le dilemme est
ailleurs.
J’imagine que La Presse version papier me propose d’acheter pour 600 $ de papier
journal vierge. Sur ce papier, dirait l’offre, nous allons t’imprimer
gratuitement les nouvelles, chaque jour. C’est un peu ça, je paie 600 $ pour un
iPad et je reçois gratuitement La Presse+
chaque jour. Normal, pour écouter le hockey, il faut bien acheter un écran.
Mais, acheter un iPad uniquement pour La
Presse+, c’est quand même gros.
Je n’ai pas de iPad parce que la
fonction première de cette tablette est la lecture. J’ai compris cela au
lancement iPad par Steve Jobs, le fondateur d’Apple. Il disait chercher à signer
des ententes avec des éditeurs de livres scolaires. Il est là, le génie du
iPad. Comme j’écris davantage que je ne lis sur un écran, je préfère l’ordi de
table ou même, le iPhone, pour prendre des notes. Et comme je n’aime pas passer
du temps devant un écran, je me passe aisément de celui du iPad, fût-il Retina.
La première révolution de La Presse+, c’est de rendre le numérique
tellement sexy qu’il relègue le papier à l’ère du jurassique. C’est un feu
roulant de télé interactive. La seconde révolution, c’est de faire assumer
toutes les dépenses par les annonceurs. L’utilisateur ne paie pas un sou. C’est
une façon de parler. En dehors des impôts qui vont payer les déductions
fiscales favorisant le développement et la recherche, les coûts de publicité
seront redistribués dans le coût de l’ensemble des produits des annonceurs. Le
coût de l’information est donc entièrement dilué, nous payons par la bande.
Encore un peu, La Presse+ pourrait
damer le pion aux quotidiens Métro et
24h, distribués gratuitement dans le
métro. L’avantage, vous ne verrez jamais un exemplaire de La Presse+ souiller le métro.
L’écran siphonne toute l’énergie du
lecteur. Avec lui, il n’y a pas de place à l’imagination, uniquement à
l’attention. Et aujourd’hui, force est de constater que les écrans sont
partout. Tu peux faire le tour de la Gaspésie la face dans un écran. Plus il y
a d’écrans, plus l’attention est requise, moins l’imagination n’a de place.
C’est une histoire de vases
communicants. Plus le média est statique, plus l’imaginaire est sollicité.
Devant un hiéroglyphe, un cerveau de l’époque devait posséder les clés de
lecture, les codes culturels, la symbolique, les références. À la limite, le
cerveau pouvait voir s’envoler le hibou ou imaginer le serpent se déplacer dans
le texte. À l’opposé, un média animé comme La
Presse+ donne un spectacle. Tout se passe dans l’écran. Le cerveau est
ébloui, mais il travaille peu. Il se laisse remplir, comme un voyage organisé.
Comme tout nouveau média, La Presse+ va s’ajouter aux autres qui
l’ont précédé. La pierre et le papier pour l’imprimé; la radio pour la
tradition orale; la télé, image de la voix; l’internet, la planète; La Presse+, le mix de tous ces médias. Chaque
nouveau média ajoute une couche, les anciens demeurent et s’ajustent.
En matière de médias, comme en
musique, je préfère la version unplugged,
non-électrique. La version unplugged
de Layla, d’Éric Clapton, est certainement aussi intéressante que l’électrique,
elle en est la genèse. La version unplugged
du chant s’appelle a capella. La
version unplugged de La Presse+, c’est l’imagination. L’écran
de l’imagination, c’est l’horizon.
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