Jason Kenney
Ministre de la Citoyenneté, de
l’Immigration et du Multiculturalisme
Gouvernement du Canada
Monsieur,
Ce soir, je suis allé dire au revoir à mon ami Domingo. Dimanche, lui,
sa femme et leurs deux enfants, seront explusés du Canada en direction du
Mexique. Les gens de votre ministère ont décrété qu’ils ne répondaient pas aux
critères du statut de réfugiés, qu’ils ont demandé à leur arrivée.
Domingo et sa famille sont arrivés à Montréal, il y a six ans et demi.
Trois semaines après leur arrivée, les parents avaient trouvé du travail.
Depuis, ils sont des citoyens à part entière. Ils paient des taxes et des
impôts, en plus de leur loyer, des études des enfants et de la vie courante.
J’ai rencontré Domingo dans des cours de français langue seconde, au
Cegep Maisonneuve. Vingt cours de trois heures chacun, étalés sur six mois, le
samedi après-midi. Domingo n’en a raté aucun. Un homme sympathique,
charismatique, un baromètre de la bonne humeur. Il était le centre d’attraction
du cours, souvent au coeur des débats, qu’il baragouinait dans un français de
plus en plus précis.
Je lui ai raconté la Révolution tranquille, la nationalisation de
l’électricité, la création du ministère de l’Éducation, les régions du Québec,
Félix Leclerc, Raymond Lévesque, Mes aïeux, Richard Desjardins, Claude
Léveillée, Norman McLaren, les systèmes parlementaires canadien et québécois, alouette.
Je ne les nommerai pas tous, vous les connaissez sûrement. Lorsque Domingo a
terminé le cours, son français avait pris un sens culturel et historique.
Il y a deux façons de juger les hommes, sur papier et dans la vie. Les
gens de votre ministère sont des champions du papier.
Cet après-midi, avant que Domingo ne quitte l’usine où il travaillait, les
collègues ont servi un grand gâteau. Alors qu’il s’attendait à une ambiance de
fête, les collègues pleuraient, la bouche pleine de crémage. Et je ne vous
parle pas des lettres de références de ses employeurs, aux bons soins des gens
de votre ministère. Un patron qui parle ainsi d’un employé veut faire
comprendre au fonctionnaire que, derrière le papier, se cache un homme de valeur.
Dois-je le dire? Domingo est un gars aimé. La qualité des hommes se mesure aussi
à la peine de leur entourage.
Ce soir, l’entourage venait de partout, du Mexique, de la Colombie, de
Cuba, du Vénézuela, de Côte d’Ivoire, d’Haïti. Domingo était souriant, dans sa
chemise fraîchement repassée, les cheveux coupés et ses souliers vernis comme
des miroirs. Il blaguait avec les uns et les autres, se laissait prendre en
photo. Je lui ai écrit un mot sur une photo de nous deux. Domingo, lorsque tu
reviendras chez nous, tu seras chez toi.
Lorsque Domingo et les siens quitteront dimanche matin, il n’y aura plus
un meuble dans leur appartement. Vous n’en aurez pas besoin, vous pourrez
manger par terre, tellement ils ont laissé l’endroit propre.
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